Par Nadia Hamour, historienne
Le 11 janvier, quelques jours après le carnage que la France a vécu, un formidable élan de solidarité a rassemblé plus de deux millions de Français. A Paris, j’ai vu des gens de tous horizons, dans leurs diversités religieuses, sociales et politiques sincèrement éprouvés et déterminés à faire bloc contre la bête immonde qui menace le pays tout entier.
Alors oui, cela fait chaud au cœur. Mais l’indignité et la solidarité, aussi fortes soient-elles, ne doivent pas nous empêcher de réfléchir enfin, sans fausse pudeur, pour répondre à la question : comment en est-on arrivé là ? Il est grand temps aujourd’hui, sinon urgent, de se poser les vraies questions. C’est une condition de l’efficacité du combat contre l’obscurantisme.
CE QUI S’EST PASSÉ A UN LIEN AVEC L’ISLAM
La vague de terreur qui s’est abattue sur notre pays en quelques jours a fait voler en éclat tout un courant de pensée installé confortablement dans l’angélisme et la bienveillance coupable. Depuis quelques années, la place de ces analyses et de ces discours, qui collent si bien à la bien-pensance parigo-parisienne n’a fait que grandir.
Les incivilités dans les écoles ? Une manifestation symptomatique des difficultés sociales, pourtant réelles, rencontrées par les familles. Le prosélytisme religieux et la diabolisation des femmes dans les quartiers ? Une histoire de coutumes et de traditions culturelles. Et le trafic des armes dans les quartiers ? La misère et le chômage, à coup sûr… Dormez-en paix braves gens.
Non ! Ce qui est arrivé ne relève pas uniquement de conditions sociales et économiques difficiles. Les discours de haine et d’appel au meurtre ne sont pas nourris par les difficultés sociales. Je suis issue de parents ouvriers immigrés algériens, venus en France pour trouver du travail et donner une chance à leurs enfants. Les difficultés sociales n’ont pas fait de moi une terroriste en puissance et ne m’ont pas empêchée de faire de hautes études.
Oui ! Ce qui s’est passé a un lien avec l’islam. La trame idéologique des terroristes est bien religieuse. Ces massacres portent la signature de « l’islam », mais d’un islam dévoyé par des terroristes pour justifier l’injustifiable. Ce qui s’est passé porte le sceau de ces prêcheurs du Moyen-Âge qui prennent en otage la foi et la misère des gens, en distillant une idéologie mortifère faite de bric et de broc. Ces discours ouvrent la voie à la radicalisation intégriste et font le lit d’actes barbares pensés par des cerveaux contaminés.
LES INTÉGRISMES GAGNENT DU TERRAIN
Depuis des années, des associations comme « Ni Putes ni Soumises » n’ont cessé d’alerter contre ce venin rampant de l’islamisme qui déjà infectait notre société malade. Elles n’ont eu de cesse de dénoncer les discours qui portent un projet politique prônant d’abord l’inégalité des sexes et l’effacement des femmes en tant qu’entité politique, puis l’effacement des hommes et enfin, l’effacement de la démocratie.
Or, au non de la paix sociale, on a préservé le silence, on a étouffé les cris, on a laissé les intégrismes gagner du terrain pour ne pas froisser les susceptibilités. Pire, ici et là, on a composé avec lui et on lui a fait des concessions, à l’école ou encore à la piscine…
Aujourd’hui, il est temps d’en finir avec cette litanie du « ça-n’a-rien-à-voir-avec-l’islam ». A un moment donné, il faut prendre ses responsabilités et appeler un chat un chat. Si, comme disait Voltaire, l’intolérance fut la maladie du catholicisme, si le nazisme fut la maladie de l’Allemagne, l’intégrisme est bien, comme l’a démontré feu Abdelwahab Meddeb, la maladie de l’islam.
COMBATTRE L’IGNORANCE
J’entends ça et là que l’islam doit accomplir son « ijtihad » (« effort de réflexion ») et son aggiornamento. Sans doute. Mais laissons ce travail aux théologiens et aux spécialistes de l’exégèse coranique. Le devoir de nos gouvernants aujourd’hui est d’abord de cesser de culpabiliser l’opinion publique et d’arrêter de penser qu’à chaque fois qu’une personne dans notre pays déclare son rejet du voile ou de la burqa, elle est nécessairement islamophobe ou raciste.
Cessons d’avoir honte d’évoquer ce qui nous spécifie comme nation, comme projet France et comme héritage politique et culturel. Faisons de nos écoles, lieu de la transmission de la tolérance, de la laïcité, du respect de l’égalité entre le sexe et de celui du droit des femmes, le bras armé de la reconquête républicaine de nos territoires perdus ! Comment peut-on accepter que des enfants puissent donner raison à ceux qui ont assassiné des journalistes ? Réintroduisons l’apprentissage du respect des règles et de l’autorité, de notre Histoire, celle de la Nation, de ses institutions comme le respect de notre hymne et de notre drapeau ! Contre l’ignorance, généralisons l’histoire du fait religieux dans les programmes, afin de décrisper et dépassionner le sujet.
Faisons de la laïcité, qui « forme les esprits sans les conformer, les enrichit sans les endoctriner, les arme sans les enrôler… », comme le disait Jean Rostand, une laïcité de combat pour faire reculer l’infâme. Réquisitionnons les créneaux dégagés par la réforme des rythmes scolaires pour expliquer et inculquer aux enfants le sens de nos valeurs et un esprit civique et citoyen.
L’urgence aujourd’hui est de cesser de dénigrer une bonne fois pour toutes ce qui fonde nos valeurs et nos idéaux républicains, au nom d’une idéologie communautaire qui lamine notre pacte social. Contre le communautarisme, mère de l’obscurantisme, notre idéal républicain, universaliste et émancipateur doit être rappelé et expliqué avec force, en deçà comme au-delà du périphérique.
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