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Repenser la place des individus au

”

travail dans une société numérique

”

Synthèse bibliographique
de la littérature scientifique
“Travail/ Entreprises/ Numérique“

Remarques
Ce travail a été réalisé en amont du lancement
de l’expédition FING DIGIWORK pendant l’été
2012. Il a ensuite alimenté les réflexions sur « le
travail et l’entreprise » de l’étude prospective La
dynamique d’Internet, prospective 2030, publiée
par le Commissariat général à la stratégie et à la
prospective en juin 2013.

Nous faisons le choix de publier ce “ document de
travail “ tel que produit initialement pour fournir
aux membres de la communauté ouverte Digiwork
les éléments de lecture ayant servi à la réflexion.
Nous prions donc les lecteurs d’être indulgents
quant au style, aux possibles approximations,
aux manques, aux fautes restées cachées… Nous
sommes bien sûr preneurs de toutes remarques
enrichissant la réflexion, et vous invitons à cet effet
à rejoindre le groupe Digiwork du réseau social de
la FING.
Page 2

Page 3

SOmmaire
01

02/05

0 - introduction
1 – Des conceptions modernes du travail et
de l’entreprise, aujourd’hui en crise
1.1 Le travail un fait total, forgé, depuis le 19e siècle, dans le rapport à la technique
1.2 Des crises économiques masquant des crises du travail et de l’entreprise
1.3 Un modèle en transition vers une économie de la connaissance
1.4 En question

06/11

2 - L’entreprise moderne, née de
l’émergence des technologies et dépassée
par elles
2.1 L’entreprise : lieu par excellence de l’innovation technologique ?
2.2 L’entreprise : lieu par excellence de l’activité inventive ?
2.3 En question

12/17

3 - Travail et activité : vers un brouillage
des frontières
3.1 Le travail sous pression
3.2 De l’éclatement
3.3 De nouvelles figures de travailleur : de l’activité à l’empowerment

18/21

4 - Enjeux et risques identifiés, évolutions
et rapports de force
4.1 Les tensions fondatrices
4.2 Les grands enjeux

22/23

5 - Points de bifurcation possibles ou points
de rupture potentielle
1. Nouvelle géographie des entreprises
2. “ Tous entrepreneurs ! “
3. Entreprise étendue
4. L’open data des entreprises
5. La place Tahrir dans les entreprises
6. Nouvelle maladie professionnelle : le « burn out »
7. Les big data : point fort du revenu universel d’existence
8. Le travailleur nomade et sa musette d’outils numériques

24/26

bibliographie
Page 4

Page 1

0. INtroduction
Le travail subit de nombreuses pressions issues du
numérique : éclatement de l’unité de temps et de
lieu par la mobilité des équipements et l’accroissement du travail immatériel, effacement des frontières entre vie privée et vie professionnelle, processus d’innovation ouverte, intensification du travail,
accroissement des contrôles et de la surveillance,
risques de sécurités, pannes, dysfonctionnements,
inégalité de compétences d’usages entre jeunes et
vieux… mais aussi hausse de productivité et diminution du nombre d’emplois, effacement des frontières
entre travail et activité.
Ainsi, analyser l’impact des TIC sur le travail, c’est
considérer le travail aux prises avec le progrès technique, sous trois dimensions imbriquées :
>>    l’évolution des pratiques de travail dites productives ou non productives, et dans leur rapport au
temps, à l’espace, aux collectifs ;
>>    l’évolution des interactions individuelles et des
collectifs de travail : émergence, cadre, organisation, finalité, valorisation, redistribution de la
valeur, etc.
>>    l’évolution du système productif : la production
de la valeur et sa mesure, la redistribution des
richesses en revenus, en droit de protection et
en droit de formation.
Or l’ensemble de ces dimensions est impactée par le
numérique, mettant en crise le travail et l’entreprise.
L’article s’attache à mettre en évidence, au-delà des
problématiques d’emploi, les transformations intrinsèques au travail et aux collectifs de travail, pour
questionner, in fine, « la valeur » : sa production, sa
captation, sa redistribution, dans un contexte où plusieurs modèles économiques coexistent, et sont en
tension.
Page 2

1 - 1 Le travail un fait
total, forgé, depuis le 19e
siècle, dans le rapport à
la technique

1. Des
conceptions
modernes du
travail et de
l’entreprise,
aujourd’hui
en crise

Les conceptions modernes du travail et
de l’entreprise se sont forgées à la fin de
la première révolution industrielle dans
un lien étroit avec le progrès technique.
Selon B. SEGRESTIN et A. HATCHUEL
(2012) le développement de la science
et des technologies de l’époque - électricité, chimie, mécanique - a joué un rôle
central dans l’émergence de l’entreprise.
Pour savoir exploiter et accélérer le
progrès technique, domestiquer l’innovation, il a fallu organiser l’activité inventive. Or les compétences nécessaires ne
préexistent pas, c’est le collectif qui les
détermine et les fait naître. L’entreprise
se construit alors autour de l’innovation
et la création collective (Les auteurs
avancent pour preuve le nombre croissant d’ingénieurs et de dépôt de brevet
depuis la fin du 19e siècle). La relation
de travail n’est pas une relation marchande, mais une relation de coopération et d’apprentissage collectif sur le
long terme. Les individus engagés dans
l’action doivent accepter, pour innover,
de se conformer aux règles collectives
et voir leurs potentiels transformés en
fonction des orientations communes.
Le travail s’est ainsi structuré dans le
cadre même de l’entreprise, et dans un
rapport étroit à la technique. Au cours
du 19e et 20e siècle, il est devenu un fait
total, sédimentant trois caractéristiques
centrales (MEDA D., 1995) : la production
de richesse et l’obtention d’un revenu 2)
la liberté de création et d’épanouissement personnel 3) l’obtention de droits
et de protection.

1 - 2 Des crises écono-

Aujourd’hui le travail et l’emploi sont au
cœur de la valeur et du système productif capitaliste (croissance, revenu,
consommation). Depuis les années 90,
l’économie des pays de l’OCDE se caractérise globalement par des crises économiques régulières, une croissance faible
et un taux de chômage élevé. Un constat
s’impose : l’économie ne produit plus
suffisamment d’emplois rémunérés. En
2012, l’économie mondiale (International
Labour Organization, 2012) affiche peu
d’amélioration : une croissance faible
aux alentours des 3%, voire nulle, et un
maintien dans le chômage d’une grande
partie des populations actives (6% en
moyenne dans le monde, 11,6 % en zone
euro) dont les jeunes (12% de chômage
pour les jeunes dans le monde, 22% en
zone euro). D’après l’Institut du Travail,
la capacité de l’économie mondiale à
créer de nouveaux emplois a nettement baissé. Or en retour, la diminution du pouvoir d’achat des actifs participe au maintien d’un faible niveau de
croissance.
Au-delà du prisme des crises économiques, l’analyse de la structuration du
marché du travail depuis les années 90
met à jour des tendances constantes, et
similaires aux pays de l’OCDE.
Les grandes tendances du
marché du travail dans les
pays de l’OCDE de 1990 à 2011
Un accroissement de la population
active et de son niveau de formation
>>    un accroissement de la population
active globale ;
>>    une masse salariale plus âgée
(allongement de la durée de la vie
en bonne santé et augmentation du
taux d’emploi des travailleurs âgés 55/64ans) et plus féminine ;
>>    une augmentation du niveau de formation chez les jeunes adultes .

miques masquant des
crises du travail et de
l’entreprise
L’emploi en difficulté dans
presque tous les pays de l’OCDE

Une durée du travail en constante
diminution
>>    une durée moyenne annuelle qui a
fortement diminué de 1998 à 2008
(passant de 1821 à 1764 heures en
moyenne), et continue à diminuer.
En Europe la durée moyenne est

Page 3

1 – Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise

passée de 40H en 1991 à 36h en
2010. A noter : cette durée moyenne
est aussi tirée par l’accroissement
du temps partiel et l’impact du
“sous-emploi” - réduction du temps
de travail pour faire face à la crise)

des 10 % de travailleurs les mieux
payés ont augmenté par rapport
à ceux des 10 % de travailleurs les
moins bien rémunérés, depuis le
milieu des années 1990.

>>    Une augmentation de l’emploi à
temps partiel . En Europe, cette
catégorie représente 17% des
salariés en 1991, 21% des salariés
en 2010, et particulièrement des
contrats de moins de 20H - 8% en
1991 à 14% en 2010.

La faute aux technologies…?

>>    Une augmentation du chômage de
longue durée .

>>    pour un rôle d’amplificateur de la
globalisation et de la mise en réseau
de l’économie, du à la dématérialisation, (CASTELLS M. 2001), et avec
pour conséquence une interdépendance mondiale de l’économie, et un
emballement de la finance.

Un niveau de productivité en hausse
>>    une progression toujours plus rapide
de la productivité du travail depuis
une quinzaine d’années (aux USA,
la productivité aurait progressé de
25% de 1967 à 1982, puis de 30% de
1997 à 2007 ).
>>    depuis 1991 le niveau de productivité
du travail dans les pays développés
reste beaucoup plus importants que
dans les pays en développement
(sauf pour l’Asie qui les a rattrapés)
: en 2011 le travailleur moyen d’un
pays en développement produit
moins d’un cinquième de la production du travailleur moyen d’un pays
développé .
>>    une intensification du travail a été
observée en Europe puis 90 à 2000,
puis s’est ralentie sur la dernière
décennie .
Baisse de la valeur produite par le travail
et inégalité de répartition des gains
>>    Un recul de la part du travail dans
les revenus des pays de l’OCDE.
Les raisons identifiées sont la hausse
de la productivité et l’accroissement
de l’intensité capitalistique, l’intensification de la concurrence nationale
et internationale, l’affaiblissement
du pouvoir de négociation des travailleurs et l’évolution des institutions de la négociation collective.
>>    Une augmentation des inégalités de
revenu marchand : dans 16 des 19
pays de l’OCDE pour lesquels des
données sont disponibles, les gains

Vis-à-vis de ces “tendances de fond“
observées sur deux décennies dans
presque tous les pays de l’OCDE, l’impact des technologies est habituellement pointé à deux titres :

>>    pour un rôle d’accroissement de la
productivité du travail ; productivité qui transforme les tâches, les
fonctions nécessaires à l’activité, et
en particulier en diminue le nombre
(BRIAN A., 2011). Jérémy RIFKIN
(1995) dès 95 prévoyait que les
TIC, ayant gagné tous les pans de
l’économie (suite à l’informatisation
massive des entreprises durant les
années 80 et des marchés financiers) conduiraient à une productivité très forte des entreprises, et
une croissance sans emploi.
L’économie numérique plus destructrice
que
productrice
d’emploi ?
Aujourd’hui même l’économie numérique, secteur de grande productivité
et porteur de croissance, se révèle peu
créatrice d’emplois, à l’image de la Silicon
Valley en perte nette d’emploi depuis
15 ans. “Depuis dix ans, on croit que le
numérique va créer des emplois. Or il
crée peu d’emplois directs, et contribue
plutôt à supprimer des bureaucraties ou
des rentes. L’optimisation sans précédent qu’il permet (dans le domaine de
la consommation, des services) devrait
contribuer à faire baisser le travail, au
sens ancien du terme. Mais pas l’activité
: car en amont du travail proprement dit
(produire un service, un bien, un contenu),
on voit se développer toute une activité
de veille, d’autoformation, d’e-réputa-
Page 4

1 – Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise

tion, de connexion, d’échanges, d’expérimentations…“ (COLIN N., VERDIER H.
2012)

1-3 Un modèle en transition vers une économie de
la connaissance
La part croissante du travail
immatériel
Depuis la fin des années 90 les analyses issues de tout champ disciplinaire
– théories de la croissance, théorie du
changement technique et de l’innovation, théorie économique… - convergent
pour affirmer l’émergence d’une économie de la connaissance (CORSANI A.
2003). Economie de la connaissance,
nouvelle ère informationnelle, société de
la connaissance, capitalisme cognitif… Le
flottement sémantique sous-jacent aux
différentes dénominations révèle des
oppositions d’analyse quant à l’impact
des technologies dans cette révolution
du travail et du système productif.
Le point commun entre ces différentes
théories est la reconnaissance de la
part grandissante du « paradigme informationnel » dans le travail (CASTELLS,
1996) : le travail, même d’exécution, est
de plus en plus un travail de gestion d’informations, et qui nécessite de l’analyse,
des prises de décision.
La réponse politique de l’Europe
L’Union européenne a fait de l’économie de la connaissance son axe majeur
de développement économique sur
les années 2000/2010, à travers la
Stratégie de Lisbonne .
Ce qui devient stratégique dans le travail
repose sur les compétences technique,
scientifique, organisationnelle et communicationnelle et les capacités créative
et adaptative. Le noyau de l’économie
de la connaissance est lié à l’appropriation des connaissances et à la production continuelle d’innovation.
La transformation vers l’économie de la
connaissance soulève en effet de complexes questions sur « la valeur » des

biens informationnels au regard de leurs
principes de non-rivalité et non-exclusivité et du processus de « pollinisation »
à l’œuvre (MOULIER-BOUTANG Y. 2010).
Des positions antagonistes se développent entre :
>>    un marché sophistiquant un droit de
la propriété privée par de « nouvelles
enclosures » : brevets, licences, DRM
; (ne serait-ce que par les rentes
monopolistiques que la valorisation marchande de la connaissance
recrée parfois),
>>    et des courants communautaires
proposant de nouvelles méthodes
de production et de diffusion de
connaissances, sans droit de propriété exclusif (une conception des
« biens communs informationnels »
: logiciel libre, licence GNU, Creative
commons) (VECAM, 2011, JULLIEN
N., 2010).
Les productions collaboratives s’autorisent désormais à concurrencer de
manière frontale les productions « propriétaires », à la fois sur la qualité, sur le
prix et sur les valeurs. La tension entre
marchand et non-marchand est forte.
Elle laisse place à des formes alternatives de conception, de production, de
consommation, de gestion des cycles
de vie des produits… mais aussi à des
formes nouvelles de contrôle et de privatisation des savoirs (via par exemple
les DPI Deep Packets Inspection).
L’hypothèse
cognitif

du

capitalisme

Les théories du « capitalisme cognitif »
différent de celle de l’économie de la
connaissance, par leur conception spécifique du rôle joué par les technologies, et leur impact sur les conceptions
du travail. Pour (NEGRI A., 2008), le
passage du capitalisme industriel à un
capitalisme cognitif n’est pas prédéterminé par les technologies mais accéléré
par elles : « les TIC ne peuvent correctement fonctionner que grâce à un savoir
vivant capable de les mobiliser, car c’est
la connaissance qui gouverne le traitement de l’information, information qui
demeure autrement une ressource
stérile, comme le serait le capital sans
le travail. La force créatrice principale à

Page 5

1 – Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise

la base de la révolution des TIC ne provient pas d’une dynamique d’innovation
impulsée par le capital. Elle repose sur
la constitution de réseaux sociaux de
coopération du travail souvent porteurs
d’une organisation alternative aussi bien
à l’entreprise qu’au marché comme
formes de coordination de la production
». Le savoir et la connaissance étaient
auparavant incorporés au capital fixe de
l’entreprise. C’est aujourd’hui le « travail
vivant » d’une population instruite, cultivée, qui fait la différence, et joue le rôle
joué jadis par le capital fixe. La connaissance est de plus en plus collectivement
partagée, à l’intérieur des entreprises
comme dans leurs rapports à l’extérieur. « A l’échelle de chaque entreprise,
l’activité créatrice de valeur coïncide de
moins en moins avec l’unité de lieu et de
temps propre aux réglages des temps
collectifs de la période fordiste. D’autre
part, et à l’échelle sociale, la production de richesses et de connaissances
s’opère de plus en plus en amont du
système des entreprises et de la sphère
marchande » (NEGRI A. 2008).
L’humain, nouveau capital
Cette conception du « travail vivant »
fait du « capital humain » et du niveau
d’instruction de la population active « le
facteur crucial de la nouvelle richesse
des nations » (MOULIER-BOUTANG Y.
2007). L’humain devient le nouveau
capital et ses capacités d’apprentissage,
d’innovation, d’adaptation continue, de
formation sont centrales. Bien que cette
affirmation puisse être partagée par
les théoriciens néo-marxistes comme
par le groupe d’intérim Manpower , ses
implications en terme d’organisation du
travail peuvent être, elles, très opposées. En effet la création de connaissances, nouveau moteur de l’économie,
est conditionnée aussi bien par ce qui
se passe dans l’entreprise, que par ce
qui se passe en dehors. Autrement dit,
les entreprises n’ont plus la détention
de cette production de connaissances
utiles à leur compétitivité. Les connaissances « correspondent au contraire
aux productions collectives de l’homme
pour et par l’homme assurées traditionnellement par les institutions communes
du Welfare State (santé, éducation,
formation, culture, recherche publique

et universitaire, etc.)” (NEGRI 2008).
Le développement de l’individu social
représente le fondement essentiel de
la production et de la richesse. Les activités hors travail deviennent alors aussi
importantes que les activités au travail,
car c’est là que les individus développent
leur intelligence, leur vivacité, leur capacité d’improvisation, de communication
et de coopération.
Cette nouvelle donne pourrait être source
de « résurgence de conflits portant sur
l’autodétermination de l’organisation du
travail et les finalités sociales de la production » (VERCELLONE C., 2008). Les
exigences des travailleurs à l’égard de
l’entreprise pourraient augmenter.

1 – 4 En question
Pour les analystes du capitalisme cognitif, cette nouvelle conception du travail
pourrait avoir plusieurs conséquences :
>>    premièrement il pourrait devenir
impossible, à l’avenir, de séparer
invention et innovation, production
et innovation, producteur et utilisateur (CORSINI 2003), si ce n’est
sous l’angle de la redistribution, ou
non, des richesses qui résultent ;
>>    deuxièmement le travail immatériel tendrait à se confondre avec un
travail de production de soi (GORZ A.
2003), et requerrait ainsi une mobilisation totale des capacités et des
dispositions des individus, y compris
affectives. “Désormais, il ne nous
est plus possible de savoir à partir
de quand nous sommes “en dehors”
de ce qui peut nous être demandé
au travail. A la limite, ce n’est plus le
sujet qui adhère au travail ; ce serait
plutôt le travail qui adhère au sujet” .
>>    troisièmement, dans la même lignée,
le concept même de travail productif pourrait s’étendre à l’ensemble
des temps sociaux. La connaissance,
soit-elle artistique, philosophique,
culturelle, langagière ou scientifique,
pourrait devenir alors une marchandise comme les autres.
Page 6

Selon Ségrestin-Hatchuel, la nature profonde de l’entreprise moderne (exploiter
et accélérer le progrès technologique,
en organisant l’activité collective, inventive), a été dévoyée par la financiarisation accrue de l’économie .

2L’entreprise
moderne,
née de
l’émergence
des technologies et dépassée par
elles

Or à partir des années 2000, une
autre évolution déstabilise la nature
même de l’entreprise : la démocratisation des technologies et leur diffusion
au grand public. Cette dynamique a eu
des impacts forts sur l’organisation du
travail (éclatement de l’unité de temps,
de lieu), sur les interactions entre l’entreprise et ses partenaires/fournisseurs (des collaborations productives
se tissent en dehors de l’entreprise), sur
les espaces d’émergence de l’innovation. L’entreprise n’est plus le lieu privilégié de développement et d’usages des
technologies, ni non plus le seul lieu de
l’innovation.

2 - 1 L’entreprise : lieu par
excellence de l’innovation technologique ?
Jusqu’en 2000 l’entreprise est
le lieu privilégié des technologies de pointe
Les années 1970-1990 ont connu l’informatisation massive des entreprises,
avec des dynamiques successives de
centralisation et de décentralisation.
La littérature académique est abondante sur les processus d’implémentation et l’impact de l’automatisation, des
solutions de gestion intégrée (EDI, puis
PGI, ERP ), des systèmes d’information
internes (intranet, extranet), de l’informatique individuelle et du développement du réseau internet...
L’équipement informatique des entreprises s’est déroulé de manière successive jusqu’en début 2000. Le
changement complet des parcs informatiques pour le passage à l’an 2000
et le passage à l’euro a été une aubaine
pour les SII. Mais l’éclatement de la bulle
internet qui leur a succédé, a marqué le
ralentissement de l’investissement des
entreprises dans l’outil de travail.

Aujourd’hui 94% des entreprises sont
connectées à Internet, même si ce
chiffre cache des disparités importantes en matière d’équipement (en
fonction de la taille et du secteur d’activité), comme d’usages (en fonction des
métiers, du niveau de diplôme, etc.).
D’après LASFARGUES Y. (CAS, 2012), on
peut estimer qu’environ 64% des salariés en France travaillent sur écran, et
que plus de 30% disposent d’un outil de
mobilité.
Jusqu’au tournant de l’an 2000, l’entreprise représentait le lieu même de la
captation de l’innovation technologique
issue de la R&D, et le lieu par excellence
des technologies de pointe. Or sur la
dernière décennie, un important mouvement de démocratisation des technologies numériques et des technologies
de pointe a modifié les équilibres.
Après 2000, une démocratisation des technologies plus
rapide dans la société que dans
les entreprises
« La baisse du coût des technologies est
une constante depuis cent vingt ans »
(COLIN N., VERDIER H. 2012). Les années
2000 ont marqué la démocratisation de
l’informatique et l’équipement personnel
du grand public (ordinateur, téléphone
portable, imprimante). Celui-ci s’est
développé plus vite dans le grand public
que dans les entreprises. Aujourd’hui
86% des actifs français ont accès à
internet depuis chez eux, contre 54%
sur leur lieu de travail (pour les ouvriers
78% au domicile contre 25% au travail
(LASFARGUES Y. in CAS, 2012). Les
loisirs ont stimulé les usages. Et c’est au
sein du foyer que la formation et l’appropriation des TIC sont les plus fortes. « (…)
L’entreprise n’est plus le lieu de l’innovation des TIC. Les entreprises, mais aussi
toutes les institutions (administrations,
hôpitaux, etc.) vivent plus ou moins bien
ce décalage technologique qui semble
indiquer qu’elles sont moins bien équipées que les foyers. Elles doivent aussi
apprendre à gérer le fait que les mêmes
outils puissent donner lieu à des utilisations « loisirs » et des utilisations « professionnelles ». (…) D’autre part, les utilisateurs, plus formés donc plus critiques
que par le passé deviennent plus exigeants et comparent l’ergonomie intui-

Page 7

2 - L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles

tive et ludique des logiciels « grand public
» à l’ergonomie austère et complexe des
logiciels entreprise. Ils ont aussi souvent
tendance à s’étonner que le matériel
professionnel soit moins performant que
le matériel personnel » (LASFARGUES Y.
in CAS, 2012). De grandes firmes comme
Apple ont compris cette évolution en
n’ayant plus d’offres commerciales privilégiées à destination des entreprises.
« Mobilité » et « informatique
dans les nuages » : vers un éclatement de l’unité de lieu et de
temps de l’entreprise
A partir des années 2000, la part d’investissement des entreprises dans l’outil
de travail s’est focalisée sur la portabilité des équipements (ordinateurs,
téléphones, tablettes, Smartphones)
et de « l’informatique dans les nuages »
(l’accessibilité – hors les murs de l’entreprises – des contenus, des applications,
des services). « L’informatique dans les
nuages ou ‘cloud computing’ permet à
l’entreprise de disposer à distance et
à la demande de ressources informatiques, qu’il s’agisse d’infrastructures, de
plateformes, ou de logiciels d’application.
(KLEIN T. in CAS 2012).
Entre l’équipement individuel mobile et
l’accès à distance au système d’information, les conditions sont réunies pour
que un grand nombre de collaborations
de travail se déroule aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise, dans
le cadre des heures officielles de travail
ou en dehors. L’unité de temps et de lieu
éclate. Des pratiques nouvelles se développent : le télétravail, le free seating ou
desk sharing (partager ou ne plus avoir
de bureau dans l’entreprise) et même le
nearshoring (externalisation de l’activité
vers des personnes travaillant depuis
chez eux, pour faire baisser les coûts).
Pour les travailleurs du savoir, le travail à
distance se banalise. Les TIC permettent
de travailler n’importe où, n’importe
quand, rendant ainsi le travail intellectuel
« ubiquitaire ». (BENEDETTO-MEYER M,
KLEIN T., in CAS 2012)
Des systèmes d’informations en
tension et risques sécuritaires
Une culture du travail mobile, hors les

murs et de l’équipement personnel s’est
développée au point qu’aujourd’hui 70%
des étudiants universitaires pensent
que le bureau est dépassé, et qu’il n’est
pas nécessaire de s’y rendre régulièrement. 3 étudiants sur 5 considèrent que
le télétravail et la souplesse des horaires
sont des droits. Et 80% d’entre eux
veulent pouvoir choisir leur propre matériel de travail.
Les pratiques de BYOD « Bring your on
device » deviennent courante . En tout
cas les individus sont de plus en plus
nombreux à hybrider leurs outils : à venir
au bureau avec leur propre équipement
(souvent plus performant que celui de
l’entreprise), à contourner les systèmes
d’information trop rigides en ayant
recours à leur smartphone, leur ordinateur personnel.
D’un côté les systèmes d’information
focalisent les tensions en étant vécu
comme des systèmes contraignants,
accroissant la charge, la complexité, la
lenteur du travail, particulièrement en
cas de dysfonctionnements . De l’autre
ils deviennent cependant centraux
dans la relation du travailleur à l’entreprise, particulièrement en situation de
travail « hors les murs » : il en constitue le « système nerveux », et le nœud
d’appartenance.
Ces pratiques deviennent très problématiques pour les entreprises n’étant
plus capables d’assurer la sécurité informatique des échanges, la traçabilité des
usages, la sécurisation des données. Les
risques sont multiples : perte de confidentialité des informations stratégiques,
attaques malveillantes du système d’informations, dysfonctionnements et ruptures accidentelles.
Les Lab : démocratisation de
la propriété et de l’usage des
outils technologiques
La double dynamique de démocratisation des outils technologiques et de
travail collaboratif a donné naissance à
des dispositifs d’un genre nouveau : les
FabLab / Biolab (ex: lapaillasse.org) /
Robolab / Brainlab... Ces dispositifs de
nature plutôt associatives mutualisent
des outils technologiques de pointe
afin de les rendre accessibles à un plus
grand nombre de personnes, capables
2 - L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles

d’en imaginer des usages ou des projets
nouveaux, par le biais de l’intelligence
collective. Les fablab sont ainsi « des plateformes de prototypage rapide d’objets physiques, s’adressant aux entrepreneurs, designers, artistes, étudiants »
(EYCHENNE F., 2012), et qui se caractérisent par :
>>    leur ouverture : gratuitement ou un
tarif très accessible ;
>>    leur communauté : la communauté des utilisateurs anime le lieu,
apporte ses savoir-faire, ses compétences ;
>>    et la dynamique de démocratisation
de la fabrication : la fabrication personnelle, le Do-It-Your-Self prévalent, et font baisser les barrières à
l’innovation.
Si la propriété des outils change, ceux-ci
n’étant plus l’apanage des entreprises
ou des laboratoires institutionnels de
recherche, les capacités de production
qui en découlent aussi.

2 – 2 L’entreprise : lieu par
excellence de l’activité
inventive ?
Avant le progrès scientifique était réincorporé dans l’entreprise, et l’innovation
prenait corps dans le travail des équipes
de R&D au sein des entreprises. Avec la
baisse du coût des technologies, et leur
diffusion massive dans la société, les
choses changent : les processus d’innovation s’ouvrent. Des activités inventives,
productives se développent dans l’entreprise comme au-dehors.
Place
des
collaborateur/
partenaire/fournisseur
Sur les vingt dernières années de
contexte économique tendu, les entreprises ont cherché à développer des
interactions de travail d’une grande
adaptabilité avec leurs salariés comme
leurs partenaires (fournisseurs, prestataires, etc.). L’informatisation rend possible le « saucissonnage » (unbundling)
de la quasi-totalité des maillons de la
chaine de valeur, leur recomposition sous

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d’autres formes, mais aussi l’émergence
d’acteurs spécialisés sur chacun de ces
maillons. Beaucoup de fonctions ont ainsi
été externalisées. Des intermédiaires
ont disparu, d’autres sont (ré)apparus.
L’entreprise (re)compose ses équipes
au gré des besoins des « projets », sur
un mode horizontal. Des partenaires et
fournisseurs sont associés de manière
presque organique à la conduite de
projets, à la conception d’innovation, à la
production « juste à temps ».
Si la souplesse de ce mode de collaboration, quand celui-ci fonctionne, permet
une productivité plus grande, elle peut
créer en revanche une moindre fidélité
des collaborateurs et engendrer des
réseaux éphémères. In fine, par le besoin
d’animer constamment l’éco-système
de collaborateurs, les « coûts de transaction » augmentent.
Affaiblissement et transformation des liens de subordination : vers un management de la
subsidiarité ?
D’un côté la rationalisation des process
et la traçabilité des actions rendues possibles par l’informatique tendent à offrir
des outils d’organisation et de contrôle
du travail aux managers. Mais de l’autre
la déspacialisation, l’individualisation, et
les pratiques de contournement bousculent le management classique : elle
nécessite de renforcer les échanges
avec les collaborateurs, l’écosystème
de partenaires ; de leur laisser une plus
grande part d’autonomie et une souplesse d’organisation. Elle modifie la
comptabilisation du temps de travail, qui
devient plus difficile.
Le management de l’écosystème de
partenaires est lui aussi complexe.
Ceux-ci souhaitent être considérés
comme des maillons essentiels de la
chaîne, et non plus comme de simples
sous-traitants. Pour s’assurer de leur
disponibilité, de leur fidélité, de leur implication, le manager doit constamment
animer le réseau, dans un rôle de « community manager ».
Pour conduire les employés comme les
prestataires, au niveau d’autonomie
et de responsabilisation souhaité, un
management de la subsidiarité se met
en place : les individus ne reçoivent plus

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2 - L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles

des ordres mais des « pouvoirs d’agir ».
Manager les connaissances ou
créer les conditions du travail
collaboratif ?
Pour faire face aux nouveaux besoins
de management des connaissances
en entreprises, le knowledge management a tenté de fournir, au tournant du
21e siècle, des outils et des méthodes.
L’objectif est à la fois de manager
le patrimoine immatériel de l’entreprise (ses méthodes, sa culture, ses
mémoires, ses valeurs, ses brevets, ses
documents de travail…), et de capter,
faire circuler, transmettre les savoirs et
les savoir-faire des individus qui la composent. « Le KM est une approche qui
tente de manager des items aussi divers
que pensées, idées, intuitions, pratiques,
expériences émis par des gens dans
l’exercice de leur profession » (PRAX
J.-Y., 2000). Il sous-tend l’intelligence
économique de l’entreprise, c’est-à-dire
sa capacité à identifier, manier, partager
les informations stratégiques pour elles.
Si les différents projets de KM ont
connu, sur la décennie passée, des
succès parfois mitigés, ils n’en ont pas
moins servi de phase « d’essai ». Plus
que le stockage et la catégorisation des
savoirs, l’enjeu est aujourd’hui de mettre
facilement en relation les individus, via
des réseaux sociaux, et de favoriser le
travail collaboratif. Au-delà des réseaux
sociaux d’entreprise, d’autres outils de
partage et de travail collaboratif voient
le jour, dont le plus durable d’entre eux
: le « wiki ».
Absence de corps intermédiaires
et régulation sociale des collectifs en question
Les syndicats et corps intermédiaires
sont eux aussi touchés par l’impact des
TIC : à commencer par les modes de
communications aux salariés (pas tous
présents sur les lieux de travail, pas tous
équipés d’ordinateurs ou d’adresse mail),
que la dématérialisation a complexifiés :
l’utilisation des systèmes d’information
internes ou de la messagerie professionnelle ne fait pas l’objet d’un encadrement juridique clair . L’exercice de
communication dépend « du bon fonctionnement du réseau informatique de

l’entreprise » et de « l’absence d’entrave
à l’accomplissement du travail ». Par ailleurs la traçabilité des échanges remet
en question leur confidentialité interne
(risque d’interception par la direction),
comme externe : si les échanges se
déroulent à l’extérieur de l’entreprise,
de son SI, les informations relevant de
la gestion du personnel ou des relations
sociales peuvent aussi être plus facilement interceptées par la concurrence.
Par ailleurs les nouveaux outils de communication sont parfois mal maîtrisés
par les organisations syndicales par
manque de moyens, d’expertise ou
de familiarité (vieillissement des militants), et qui nuit à la visibilité ou la présence des corps intermédiaires sur les
réseaux. Ils remettent aussi en cause
les frontières entre militants, adhérents,
non-adhérents.
Les mouvements syndicaux se sont
structurés en regard de l’ancienne organisation du travail (unité de temps / lieu
/ collectif). Cela les empêche peut-être
aujourd’hui d’être présents au sein des
dynamiques collaboratives qui se développement aux frontières des organisations, ou entre collectifs d’indépendants.
Mais si l’on constate une déstabilisation,
voire une faiblesse des corps intermédiaires traditionnels, cela ne veut pas
dire que les revendications et le mode
d’organisation sociale soient complètement paralysés. De nouvelles formes
d’expression sociale voient le jour utilisant les potentialités des TIC pour diffuser l’information stratégique, fédérer les
acteurs, accompagner le dialogue social,
à l’image du blog lafusionpourlesnuls.com
(DRESSEN M., 2011). Spontanées, éparpillées, et parfois éphémères, ces dynamiques ne constituent pas – encore - de
contre-pouvoir institutionnel durable,
mais elles jouent un rôle de régulateur
des relations sociales.
Le nouveau paradigme de l’innovation ouverte, permanente,
ascendante…
Réseaux étendus de collaborateurs,
management
des
connaissances,
démocratisation des outils, développement du travail collaboratif… petit à petit
la compétitivité d’une entreprise se joue
dans sa capacité à innover en continu, à
2 - L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles

susciter l’innovation de la part d’autres
acteurs de son eco-système, et à capter
une part de la valeur créée dans un
système d’innovation ouverte (« pollinisation »). En 2005/2006, le concept d’innovation ouverte est théorisé par les américains CHESBROUGH H. et VON HIPEL E.
« Le paradigme de l’innovation ouverte
forme l’antithèse du modèle traditionnel
d’intégration verticale, où la recherchedéveloppement interne débouche sur
des produits développés en interne
que la firme commercialise ensuite ellemême. (...) L’innovation ouverte est un
paradigme qui considère qu’en cherchant à faire progresser leurs produits,
les firmes peuvent et doivent utiliser des
idées externes autant qu’internes, et
des chemins internes et externes vers le
marché. » (CHESBROUGH H. 2005).
L’innovation émerge des interactions
et collaborations de travail, pouvant se
situer aux frontières de l’entreprise.
La force de la « multitude » (1) :
captation de la valeur
Les principaux « géants » de l’internet (Google, Amazon, Twitter, Youtube,
Flickr…) ont compris cette dynamique
d’innovation ouverte et ont poussé le
modèle à l’extrême. Plutôt que de produire et de fournir des contenus, ils se
sont construit essentiellement sur la
captation de la valeur produite par les
internautes : contenus, annotations, évaluations, soit toutes traces d’activités… «
La principale dimension de la révolution
numérique est la puissance désormais à
l’œuvre à l’extérieur des organisations, la
puissance des individus éduqués, outillés, connectés, la puissance de ce que
nous appelons la multitude » (COLIN N.,
VERDIER H., 2012). Ce qui est au cœur
de la production de valeur, pour les
auteurs, c’est la créativité de la multitude : c’est-à-dire le résultat de « l’activité cognitive de centaines de millions
d’utilisateurs d’applications et de l’infinité
d’interactions entre ces centaines de
millions d’utilisateurs ». Ce capital humain
demeure en-dehors de l’organisation et
non accessible dans le cas d’une relation
entre un client et son fournisseur.
Si ce modèle de la captation de la «
contribution des internautes » fonctionne
aujourd’hui, ce n’est pas sans soulever

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pourtant d’importantes questions politiques sur la récupération des données
à des fins de services marchands, et
plus globalement sur la valorisation des
contributions.
La force de la multitude (2) :
production open source
A l’opposé de ces exemples, des communautés d’internautes participent
sciemment et bénévolement à la production collaborative de connaissances
tout en veillant au format de circulation
de cette information (licence libre, biens
communs informationnels). L’exemple le
plus connu étant Wikipédia. Or ce modèle,
restreint jusqu’à présent à la production de connaissances, est en train de
s’étendre à la production de biens tangibles, d’objets. Ainsi l’expérience de
l’ingénieur américain Joe Justice autour
de « wikispeed » (un projet de construction de voiture peu chère, peu consommatrice d’essence, rapide, et répondant
aux normes de sécurité) montre-t-elle
de nouvelles façons de travailler et de
produire collectivement, hors de tout
cadre organisationnel classique. Pour
conceptualiser, développer et produire
le véhicule l’équipe s’est appuyée sur
une méthode de fabrication extrême ,
s’appuyant sur des méthodes de Lean
(utiliser le moins de chose possible),
méthodes agiles (réduire le coût des itérations), scrum (découpages des tâches),
XP (extrême programming : travail des
équipes en binôme pour la capitalisation
des connaissances). Les membres de
l’équipe sont tous « volontaires » (bénévoles), provenant du monde entier. Cette
initiative nouvelle démontre en tout cas
les capacités d’émergence de collectifs de travail productifs via la mise en
réseau du net, et de nouvelles formes de
management.

2-3 En question
>>    La démocratisation des outils technologiques, et leur accès et usage
par un plus grand nombre : un mouvement passager ou une tendance
de fond ? ;
>>    la firme horizontale et l’affaiblisse-

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2 - L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles

ment du lien de subordination laisse
place à quel nouveau pouvoir ? Quel
nouveau rapport de forces ? Quel
corps intermédiaires ? ;
>>    Crise de l’entreprise. L’organisation
professionnelle : un objet social à
réinventer.
>>    L’innovation permanente : une
exigence de l’économie financière ?
>>    L’économie de la contribution :
quelle production et redistribution
de valeur ?
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3-1 Le travail sous
pression
Un travail de plus en plus
abstrait,
complexe
et
individualisé

3 - Travail et
activité : vers
un brouillage
des frontières

L’usage des TIC contribue à changer la
nature du travail et des compétences
mises en œuvre pour l’exercer : la part
d’abstraction (ne serait-ce que lecture,
écriture) devient de plus en plus grande
« Le commercial ne voit plus le client, le
vendeur ne voit plus le stock, l’opérateur
ne touche plus la vanne… Il ne s’agit plus
d’agir directement mais de recueillir,
traiter et transformer des volumes
d’information toujours plus importants
». (BENEDETTO-MEYER M., KLEIN T., in
CAS 2012)
La surcharge informationnelle, du au
traitement d’un nombre croissant d’informations morcellées, désordonnées,
crée un stress, qui se cumule à des problèmes de dispersion de l’attention au
travail (DATCHARY, 2004). Produire un
travail de qualité nécessite de savoir/
pouvoir se déconnecter.
Les TIC joueraient aussi sur la complexification et l’individualisation des tâches,
les individus étant invités à organiser
leur propre travail, à travailler en « mode
projet » et simultanément sur plusieurs
projets, à collaborer et être disponibles pour leurs clients et partenaires
extérieurs.
En définitive, de l’individualisation des
tâches à l’individualisation des trajectoires, le pas est franchi.
Intensification du travail et
accroissement de la productivité individuelle
Le travail est sous pression : de la
recherche de productivité, de l’intensification du rythme, de la complexification des tâches, d’un univers marchand
hyperconcurrentiel et interdépendant,
d’une exigence d’hyperréactivité aux
clients. Dans ce contexte, les TIC jouent
un rôle d’équipement « des normes
de productivité, des visées managériales, de la mise en concurrence et du
volume de l’activité » et d’enrichissement
de « la panoplie des outils de contrôle

». (CHEVALLET R., MOATTY F. 2012).
Cette intensification du travail , observée durant les années 90, semble s’être
ralentie dans la deuxième moitié des
années 2000 (EUROFOUND DUBLIN,
2011). Pour 67% des travailleurs européens, le rythme du travail dépend en
premier lieu des demandes des clients,
des usagers, des patients. Or la communication par les TIC participe à créer une
culture de l’immédiateté (se sentir obligé
de répondre à un email dès réception).
Pour BESSEYRE DES HORTS C.-H.,
ISAAC H., (2006), « l’ubiquité » permise
par la portabilité des équipements participe à cette intensification et à l’accroissement de la productivité individuelle «
grâce à la réduction des exigences spatiales et temporelles dans la réalisation
du travail, l’accroissement de la flexibilité, la diminution des coûts de coordination, l’amélioration de la communication
et de l’échange de connaissances, (…)
l’immédiateté de l’accès à l’information,
la hausse de la performance dans la
prise de décision, l’accroissement de la
réactivité face aux clients ».
Contrôle accru mais inégalement réparti
Les TIC renforcent les mesures de
contrôle du travail, et ce de plusieurs
manières (CHEVALLET R., MOATTY F.,
2012) : la prescription visant à encadrer
par des normes et des procédures de
qualité le travail, le contrôle direct via la
surveillance, la traçabilité, ou la remontée en temps réel des résultats, ou enfin
le contrôle exercé par les pairs ou les
clients. « Les TIC offrent ainsi des modalités de contrôle inédites et performantes
qui s’ajoutent ou se substituent à celles
qui existent déjà ». La fréquence de
contrôle, dans les entreprises utilisant
les TIC semble s’intensifier (GREENAN
et al. 2012), sauf pour les utilisateurs de
TIC avançés, qui « apparaissent comme
un salariat de confiance ». Le travail
nomade équipé en TIC apparaît aussi
moins contrôlé et plus autonome que les
autres (COUTROT T., 2004). Tandis que
d’autres catégories, comme de métiers
ou d’entreprises (voice-picking, téléopérateurs) versent dans l’excès inverse,
engendrant baisse de l’engagement au
travail et risques psycho-sociaux.

Page 13

Panne, incident, dysfonctionnement informatiques
Les individus sont de plus en plus dépendants du bon fonctionnement des équipements informatiques et système
d’information des entreprises. Selon l’enquête COI 2006, la moitié des salariés
déclare un rythme de travail perturbé
par des pannes et incidents informatiques. Ce qui est de l’ordre de la perturbation pour les salariés d’entreprises
peut se révéler une véritable paralysie
pour les travailleurs à domicile, indépendants ou télétravailleurs, ne pouvant
compter que sur eux.

3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières

travailleurs, l’élargissement de l’ecosystème des collaborateurs, étendu à
un réseau de partenaires, fournisseurs,
prestataires, etc. ; mais aussi par la complexification de la mesure du temps de
travail productif : intimement mêlé à l’ensemble des temps sociaux.
Le mode projet tend aussi à remanier
les équipes, à faire émerger des chefs
d’équipe ponctuels qui doivent leur position moins à un statut hiérarchique qu’à
des compétences spécifiques sur le
projet en cours et une reconnaissance
par les pairs.
… de l’étanchéité des sphères
privées et professionnelles

3-2 De l’éclatement…
…de l’unité de temps et de lieu du
travail
Les TIC ont contribué de manière déterminante à l’éclatement de l’unité de
temps et de lieu du travail. Les pratiques
de travail en mobilité, à distance, les
pratiques de « débordement » (travail
en dehors des heures traditionnelles
de bureau) ou d’extra-temporalité, et
l’émergence de nouveaux lieux de travail
(espaces de co-working, cafés équipés
de wifi, espaces Grands Voyageurs
SNCF) font désormais partie du paysage.
Le travail intellectuel est devenu « ubiquitaire » (BENEDETTO-MEYER M, KLEIN
T., 2012), s’affranchissant par là du «
bureau ». Le temps perdu n’existe plus
et la proximité relationnelle dans les
interactions de travail est devenue aussi
importante que la proximité physique.
L’éclatement spatio-temporel du travail
tient aussi au caractère de plus en plus
étendu de l’entreprise (externalisation,
sous-traitance, partenariat). Les équipes
« productives » de travail peuvent être
éclatées sur plusieurs structures, dans
différents lieux géographiques, faisant
courir un risque d’affaiblissement du
sentiment d’appartenance.
… de la hiérarchie
Les pratiques managériales sont modifiées en profondeur par la déspatialisation du travail, la prise d’autonomie des

Une des évolutions les plus éprouvées
par les individus est la porosité croissante
des frontières entre les sphères privées
et professionnelles. L’équipement personnel autorise les communications
privées au bureau, de même que la
mobilité du travail et l’accès au cloud
de l’entreprise à distance favorisent le
travail à domicile. L’interpénétration se
joue dans les deux sens, requérant une
véritable agilité temporelle de la part
des individus. Si les TIC imposent parfois
une disponibilité à tout instant (en particulier dans le cadre du travail mobile,
autonome), elles permettent également
une vraie concordance des temps entre
les heures de travail, l’accès à distance
à différents services (e-administration,
commerce), la joignabilité des réseaux
de proximité. Le possible accomplissement de tâches en parallèle autorise
alors la multiplicité d’engagements.
« Utiliser les TIC au bureau à des fins
personnelles semble renforcer « l’agilité
temporelle », non pas seulement dans
une optique de rationalisation du temps
de travail, mais aussi des autres temps
sociaux dominants, comme la famille
ou les loisirs » (LE DOUARIN L., 2007).
L’enquête de Laurence Le Douarin,
portant sur l’usage des TIC dans l’articulation des temps sociaux par la
population très spécifique des cadres,
valide l’hypothèse du « busyness » : les
plus occupés professionnellement se
retrouvent également parmi les plus
actifs au plan culturel.
3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières

… des frontières entre travail
et activité
La rationalisation des temps par les TIC
dépasse ainsi la sphère professionnelle
et s’étend au non-travail. Il devient alors
de plus en plus difficile de mesurer le
temps de travail effectif réel, tant il est
imbriqué – et dépendant – de la gestion
des autres temps sociaux.
Certaines entreprises, telles que Google,
ont bien compris cette évolution en
proposant, en leur sein, des infrastructures et des services de loisirs. En plus
de ses salles de sports, de musique, de
cinéma, ses crèches intégrées, ses SAS
de décompression, Google autorise par
exemple ses salariés à consacrer 1/5
de leur temps de travail à des projets
personnels. Ces projets, d’une manière
ou d’une autre, - ne serait-ce que par
l’émulation forte qui règne et incite les
salariés à être créatifs et innovants pour
l’entreprise -, pourraient alimenter à
l’avenir, les projets de l’entreprise.
… de l’affirmation de l’individualité pour la « subjectivité »
Plus le salarié a le sentiment de s’accomplir au travail, plus il créé de la valeur,
selon le concept de l’empowerment (LE
BOSSEE, LAVALLEE, 1993). Le travail
a changé, passant du travail au sens
d’opération à celui du travail au sens
d’événement, tel que le définit Philippe
Zarifian (1995). Travailler c’est prendre
en charge des événements : à savoir : y
faire face avec succès lorsque ces événements sont subis, ou bien les conduire
lorsque ces événements sont voulus,
provoqués. Cela signifie que le travail est
de nature subjective, qu’une part importante dépend du sujet, de son engagement, de ses choix.
… des repères : quand l’agilité technique devient agilité
sociale
La question de l’apprentissage des
usages des TIC dans le cadre professionnel pose surtout la question du lien entre
TIC et collectifs de travail. Les technologies sont en effet au cœur de la « réflexivité ». « L’apprentissage des TIC renvoie
également à des questions récurrentes
: pourquoi être ensemble et comment

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s’associer ? Cela exige, de façon réitérée,
d’apprendre à s’insérer dans de nouvelles organisations socio-professionnelles, à en comprendre les fonctionnements formels et informels, ainsi qu’à en
maîtriser les modes d’évolution. L’habilité
à se servir des TIC à son tour favorise la
production de nouvelles connaissances
sur ces organisations émergentes (…).
TIC, réflexivité institutionnelle et apprentissages organisationnels s’entraînent
ainsi mutuellement dans un mouvement
permanent. » (SAINT LAURENT-KOGAN
A.-F., METZGER J.-L. 2007).
… de la structuration des temps
sociaux : formation initiale,
travail, retraite
Si l’on considère que le capital humain est
à la source de la production de richesse,
c’est toute l’organisation des temps
sociaux qui est à changer. Le modèle
de société se structurant schématiquement autour de trente ans d’apprentissage, trente ans d’activités, trente
ans de retraite, n’est ni individuellement
satisfaisant, ni économiquement opératoire. La manière dont se dessinent les
modes de vie à la retraite incite à reconsidérer l’ensemble de la période de vie
active (RIVIERE C., BRUGIERE A., 2010).
Le temps libre est un temps formateur
qu’il est nécessaire de mieux inclure
dans les trajectoires professionnelles,
de même que les temps de formation
(VIARD J., 2004). Pour une meilleure
adéquation entre aptitudes individuelles
et marché du travail, il serait nécessaire
de sécuriser la formation tout au long de
la vie, et le droit temporaire « au répit
» (TAVOILLOT P.-H., 2010). Or les TIC
peuvent particulièrement favoriser l’articulation des différents temps sociaux, et
l’apprentissage tout au long de la vie.

3-3 De nouvelles figures
de travailleur : de l’activité à l’empowerment
Support d’outils, d’applications et de services, l’internet est aussi porteur d’une
certaine « philosophie », que l’on peut
qualifier de libertaire, nourrie – dans
le contexte américain de ses origines -

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de la critique « artiste » du capitalisme
(BOLTANSKI L., CHIAPELLO E., 1999, cité
par CARDON D., 2010). Ses idées fortes
sont dans sa version la plus radicale :
l’autonomie des individus, l’auto-organisation, le refus des contraintes, et dans
sa version plus légère : l’authenticité, la
créativité, et la transformation de soi
(sous-entendu « plutôt que de la société
»). Cette philosophie libertaire a nourri
des postures nouvelles de travail/activité : mouvement open source, mouvement hacker, génération slasher, qui ne
sont pas sans influence sur les évolutions de la relation au travail des jeunes
générations, comme des plus âgés.
Le travail « open source »
Les communautés du « logiciel libre »
et de « l’Open Source » revendiquent le
développement de logiciels ouverts, et
encouragent la liberté d’initiative. Leur
production s’appuie sur le travail de
communautés de développeurs « individuels » comme des entreprises, venant
chacun, améliorer, corriger, étendre le
contenu serviciel d’un logiciel, voire le
logiciel lui-même, considéré comme un
bien commun. Là où leur philosophie
diffère, c’est dans la nature des réutilisations. Avec les logiciels libres, les utilisateurs ont la liberté d’exécuter, copier,
distribuer, étudier, modifier, améliorer le
logiciel, et ce gratuitement. Avec les logiciels open source, c’est essentiellement
l’accès aux codes sources qui est gratuit,
car des services payants s’appuyant sur
les logiciels peuvent être commercialisés.
Les activités qui gravitent autour de ces
mouvements peuvent être ainsi commerciales (plusieurs milliers d’informaticiens sont salariés grâce à ces modèles)
comme non-commerciales (bénévolat).
« Get paid, get fit, make
something cool », la philosophie du Hacker
Cette philosophie de l’autonomie et de
la liberté se retrouve aussi dans la figure
des « Hackers », mus par la satisfaction
des aspirations personnelles, l’épanouissement au travail, et une forte culture du
partage (rappelons que les Hackers sont
à l’origine de l’internet, des logiciels libres
et de l’ordinateur personnel). « Heureux
comme un hacker » , titrait récemment

3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières

l’Atelier de l’emploi, site éditorial du
groupe Manpower, mettant en avant les
valeurs de ces travailleurs : « Do it your
self », liberté et refus de la hiérarchie.
Une devise prévaut :
>>    Get paid : « gagne ta vie » ;
>>    Get fit : « fais du sport », pour se
libérer l’esprit, se maintenir en forme
et gagner en confiance en soi ;
>>    Make something cool : « amuse-toi
». L’activité de travail, guidée par
la passion, devient une voie d’épanouissement, de réalisation de soi.
Le texte culte d’Hakim Bey, TAZ Zone
autonome temporaire, de 1997, exprime
cette philosophie inspirée de l’utopie
pirate consistant à « s’exiler dans de
microcommunautés apparaissant et
disparaissant dans les interstices du
pouvoir. (…) Il ne s’agit pas ni de faire la
révolution, ni de transformer la société,
mais de changer sa vie plutôt que de
changer la vie. » (CARDON D., 2010).
De la figure du « slasher », « multitasking » …
L’autonomie et la liberté dans le travail
semblent être des aspirations majeures
du nouveau monde du travail et en
particulier pour la génération dite « Y ».
Consciente de l’instabilité du marché
de l’emploi, et des besoins de changement de trajectoire, cette génération a
intégré la flexibilité dans son parcours
professionnel. Il en émerge une nouvelle
catégorie de travailleurs trentenaires,
au capital culturel fort, dénommée «
slashers » (catégorie encore marginale : leur poids étant estimés à 2,5%
de la population active ), mixant volontairement des périodes de CCD, CDI,
intérim, auto-entreprenarait, chômage.
Que cette instabilité soit volontaire ou
subie, les slashers militent pour un cumul
d’emplois et le développement de multiples compétences, afin de ne pas être
dépendants d’une entreprise, ou d’un
secteur professionnel. Cette catégorie
de travailleurs reflète-t-elle un véritable
« Don Juanisme professionnel » ou une
vulnérabilité des travailleurs dont le désir
individuel de réalisation de soi est instrumentalisé par le marché ?
Page 16

3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières

De
la
figure
coopératif

du

nomade

Le secteur des TIC, par ses nouvelles
formes d’organisation du travail, seraitil précurseur des entreprises de demain
? C’est la conviction de la chercheuse
belge Patricia Vandramin, conviction
fondée sur trois caractéristiques : une
gestion des ressources humaines très
individualisées, des modes organisationnels privilégiant réseaux et projets,
et un personnel relativement jeune. Ces
travailleurs recherchent de manière
constante l’échange entre pairs, la satisfaction dans le travail, et les conditions
d’un apprentissage permanent. Mais «
cette volonté ne suppose ni la préexistence, ni la pérennité des collectifs, ni
leur inscription visible dans l’espace ».
D’où la notion de « nomadisme coopératif ». Si ces nouveaux travailleurs aspirent
autant qu’autrefois à la solidarité et au
collectif, ils l’envisagent sur le modèle du
projet (partager des objectifs limités à
court terme), dans lequel ils sont prêts à
s’engager en sujets – sans délégation –,
avec des groupes provisoires composés
de salariés appartenant à des métiers et
des entreprises divers. Les individus ont
toujours le souhait d’intégrer un collectif,
mais en étant acteur des transformations de celui-ci (METZGER J.-L., 2005).
La figure du « jeune retraité »
L’allongement de la durée de la vie en
bonne santé modifie le profil de la population active, accroissant la part des travailleurs plus âgés (même si ces derniers
peuvent être majoritairement rejetés
du marché de l’emploi). En effet les travailleurs plus âgés ont cumulés à la fois
du capital et de l’expérience, et, sauf en
situation de précarité économique, ils
abordent le travail sous l’angle renforcé
du sens et de la finalité de leurs actions.
Les jeunes retraités profitent du revenu
d’existence procuré par la retraite pour
continuer à mener une vie active (SEVE
L., 2010) pleine de « sens » et très fortement productrice de liens social : articulant des activités professionnelles (via
le réseau professionnel), des activités
associatives et militantes semi-professionnelles (la majorité des cadres des
associations, et du personnel politique,
sont des retraités - NOWIK L., MOREL

G., 2006), des activités de loisirs et de
développement personnel, des activités de formation (reprise de cours, etc.),
des activités familiales. Cette figure
du « jeune retraité actif » pourrait bien
caractériser les modes de vie pour tous
demain.
Vers de nouveaux collectifs de
travail
Qu’elles soient fortement impactées par
les TIC ou pas, qu’elles soient économiquement productives ou pas, de nouvelles organisations de travail émergent,
durables ou éphémères à travers :
>>    les SCOP (sociétés coopératives
participatives), ou les sociétés de
portage salarial dessinent de nouvelles organisations collectives de
travailleurs, mutualisant des ressources, des réseaux, recréant des
liens et de l’engagement solidaire ;
>>    les coworking-space se présentent
comme des lieux et des processus
d’animations favorisant le foisonnement et l’élaboration de projets collectifs, réunissant des entreprises,
des indépendants, des chercheurs,
des étudiants, des personnes en
recherche d’emploi ;
>>    les barcamps ou les hackatons sont
des événements éphémères réunissant des professionnels de tout
bord, autour d’une thématique
commune, et ayant pour objectif de
concevoir des projets et de les prototyper ;
>>    Les Fablabs/Biolab sont des lieux
de fabrication numérique ouverts
et partagés qui regroupent un
ensemble de machines à commande
numérique, permettant à chacun,
sans connaissance technique préalable, de produire des objets, même
de haute technologie ;
>>    Les initiatives de production collaborative de type « wikispeed » : monter
des équipes « instantanées » pour
une production collaborative répondant à des critères spécifiques
(produire moins cher, plus durable,
en open source…).

Page 17

S’ils peuvent apparaître encore confidentiels, ces dispositifs dessinent en tout
cas des tendances de nouvelles organisations du travail collaboratif, adaptées aux changements continus d’un
côté, et aux velléités d’autonomie et de
liberté de l’autre. Ils jouent alors un rôle
de conditions d’émergence et répartiteur de projets, au sein d’écosystème
large de collaborateurs associés ou en
réseaux, mais non salariés.
C’était, dès 1995, la transformation que
BRIDGES W., 1995, voyait advenir pour
les entreprises de demain : le passage
d’une structure constituée d’emplois à
un « champ » de travail à accomplir. Ce
passage d’une logique d’emploi à une
logique de services renforcée par la
mobilité du travail, affirme la figure de
travailleurs polyactifs, conduisant plusieurs carrières (CONSEIL DE L’EUROPE
1995).
En tout cas, l’extension et la diversification des formes d’interaction et de collaboration constituent ainsi l’un des plus
puissants facteurs de changement du
travail et des organisations.

3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières
Page 18

4.1 - Les tensions
fondatrices
Dans les trois domaines étudiés (la
production de valeur, l’entreprise et les
nouveaux collectifs, le rapport de l’individu au travail), de fortes tensions sont
à l’œuvre, et autour desquelles de nouveaux équilibres se cherchent.

4 - Enjeux
et risques
identifiés,
évolutions et
rapports de
force

A - Autour de la valeur
: nouvelles productions – nouvelles
redistributions

nels (brevets, marques, propriété intellectuelle), d’autres actifs immatériels
prennent une valeur essentielle : les
contributions des internautes, traces
d’usages et intelligence collective. Cet
actif constitue une externalité positive, que les principaux géants du net
cherchent et réussissent à capter
(Google, Amazon, Facebook, Flickr,
twitter, etc.). C’est la valeur produite par
la démocratisation des usages numériques qui est captée, et en cela questionne la privatisation des données
personnelles, ou le caractère de bien
commun des données personnelles
massifiées.
Economie du format propriétaire vs économie alternative
open source – do it your self

Emploi vs Travail
D’un côté le nombre d’emplois diminue et
ne couvre plus les besoins d’une population active croissante. L’employabilité
des individus s’est substituée à la sécurisation des parcours, mais sans effet
équivalent, et créant de la précarité. De
l’autre, des formes d’activité ou de travail
non-productif n’ont pas de valorisation,
pas de mesure ou d’indicateurs, alors
même qu’elles alimentent une économie
de la contribution, voire de la captation
(valeur captée par des entreprises qui
en tirent des bénéfices directs).

Sur l’internet deux formats de développement des entreprises s’affrontent :
un format propriétaire (qui prend particulièrement la forme de plateformes
de services propriétaires appuyant
son développement sur des API), et un
format ouvert et communautaire « Open
source », ou basé sur des pratiques du
« do it your self ». Cela questionne les
frontières de la privatisation et du bien
commun, ainsi que du partage de la
valeur.

C - Pour l’individu au

Equipement
personnel
vs
système d’information, Ordre vs
Désordre

Individualisme vs Réseaux

En même temps que le numérique
a sous-tendu la rationalisation des
process en entreprises, la généralisation des systèmes d’information, des
règles de sécurité, le numérique a aussi
grandement amélioré la performance
de l’équipement personnel et diminué
son coût d’accès : celui-ci pénètre dans
les entreprises et concurrence les outils
internes, permet d’échapper au contrôle
ou aux règles de sécurité contraignantes
des SI. Les pratiques de BYOD se généralisent. Les besoins en « clouds » vont
s’intensifier : cloud personnel, cloud professionnel de différentes natures vont
se superposer.
Mobilité vs Bureau

Autonomie vs Subordination,
Liberté
d’organisation
vc
Contrôle, traçabilité

Entreprises vs Réseaux
coopération,
Vertical
Horizontal

Le modèle de développement de l’internet prône, valorise et outille l’autonomie
des individus au travail, la libre entreprise, l’initiative et l’innovation individuelles, l’équipement personnel. Mais
le numérique permet aussi l’inverse : la
mesure constante de l’activité (tableaux
de bord, indicateurs), la traçabilité et
le contrôle accrus, renforçant les fonctionnements hiérarchiques verticaux, la
subordination, par ailleurs inhérente au

Les relations de travail portées par les
individus se développent aussi bien dans
le cadre de l’entreprise qu’à ses frontières : les réseaux de coopération dessinent une « entreprise étendue ». C’est
l’ère des écosystèmes, remettant en
question les autorités traditionnelles, au
profit de « l’influence », le management au
profit des échanges entre pairs, l’autoorganisation et les méthodes agiles.

L’augmentation de la productivité est
allée de pair avec une intensification des
cadences, une montée de la pression et
du stress d’un côté, et une baisse de la
durée du travail de l’autre, synonyme de
temps libre et de développement personnel. Les temps de pause, les loisirs
deviennent essentiels et conditionnent
le bien-être et les capacités d’endurance du travailleur sous pression.
Certaines entreprises ont ainsi étendu le
travail productif à l’ensemble des temps
sociaux, en proposant des structures de
loisirs, détente, en leur sein.

individus à l’entreprise et

A côté des actifs matériels (bâtiments,
machines) ou immatériels tradition-

contrat de travail. La tension est vive,
et crée de l’incompréhension mutuelle
entre les individus et les organisations.

de travail

B - Dans le rapport des

vs

4 - Enjeux et risques identifiés, évolutions et rapports de force

La mobilité des outils rend le travail intellectuel ubiquitaire. Le SI « cloud » de l’entreprise ainsi que le réseau de collaborateurs deviennent le véritable « espace »
de travail des individus, leur point de rattachement. Mais si le travail en mobilité
ou à distance s’est répandu, entrainant
un brouillage des frontières, les trajets
domicile-travail n’ont – encore - pas
disparu, et deviennent des espaces propices au pratique de « débordement ». Le
coût des énergies de transport pourrait
cependant accélérer un processus de
relocalisation du travail, et d’une nouvelle
géographie de l’activité économique.

Intensification vs Temps libre

Production
de
valeur
Captation de la valeur

Page 19

aux nouveaux collectifs

de
vs

travail

L’exigence d’autonomie va de pair avec
une forme d’individualisme : dans l’entreprise, les objectifs sont individualisés, sur
le marché de l’emploi, l’individu est seul
face à ses réseaux, qui représentent
aussi son potentiel d’employabilité. La
figure de « l’individualisme en réseau »,
du « nomade collaboratif » s’impose avec
d’un côté ses risques potentiels de précarisation, d’isolement, d’affaiblissement
des droits, et de l’autre la redéfinition
de nouvelles forces sociales aux géométries encore inconnues. Les nouvelles
modalités de « lien professionnel » sont à
observer.
Compétences individuelles vs
apprentissages collectifs sur
le long terme
Les
compétences
individuelles
deviennent des éléments clés du recrutement. Elles sont considérées comme
les points saillants de l’identité des personnes, des mots clés permettant d’être
référencé ou de se différencier sur les
portails de l’emploi. Or les compétences
se développent aussi au cours d’apprentissage collectif sur le long terme. Le
potentiel des individus est transformé
par le collectif, et rien ne rend compte
ni des évolutions personnelles, ni des «
compétences collectives ». Le numérique
exacerbe l’individualité.
Continuité vs Discontinuité des
parcours
L’exigence économique de flexibilité
produit des parcours professionnels de
plus en plus discontinus, qui, au-delà de
la précarité, engendrent des problèmes
identitaires chez les individus. L’internet
est à la fois le lieu de la traçabilité du
parcours favorisant sa mise en visibilité
et donc son unification (e-porfolio) mais
favorisant aussi le non-oubli des accidents de parcours ; le lieu possible de
l’anonymat (blog et pseudo, activités de
hackers, etc.) ; enfin aussi, un lieu possible de formation à distance.
Page 20

4 - Enjeux et risques identifiés, évolutions et rapports de force

Vie
personnelle
professionnelle

vs

vie

Si la portabilité des outils et applications numériques tend à brouiller les
frontières entre vie privée et vie professionnelle, elle participe aussi à unifier
l’identité des individus, non pas dans le
sens d’une cohérence globale, mais au
contraire dans le sens du maintien et de
la co-existence d’une pluralité d’activités
et d’identités.

4.2 - Les grands enjeux
Enjeux économiques :
>>    mieux comprendre les évolutions
du travail pour « mieux travailler » et
produire de la valeur ;
>>    développer la croissance ou changer
les indicateurs du PIB par de nouvelles capacités de mesure, rendues
possible par le numérique ;
Enjeux d’innovation et de croissance économique pour les
entreprises :
>>    Trouver les bons collaborateurs,
savoir les faire travailler ensemble ;
>>    Réussir à adapter les fonctionnements et les collectifs à l’innovation
permanente ;
Enjeux sociaux :
>>    Redistribuer
les
plus-values,
procurer des revenus à toute la
population ;
>>    Permettre à chacun de continuer à
se former, à changer et trouver de
perspectives de travail ;
Enjeux de bien-être pour la
population active :
>>    être serein et performant au travail ;
>>    trouver le ou les voies du développement personnel ;

Enjeux politiques
>>    Renouveler les formes du dialogue
social, de manière à ce qu’il traduise
les réels rapports de force ;

Page 21
Page 22

1) Nouvelle géographie
des entreprises

5 - Points de
bifurcation
possibles ou
points de
rupture potentielle

La portabilité des équipements, l’informatique dans les nuages, la dimension
immatérielle croissante du travail et la
hausse du coût de l’énergie continuent
à faire littéralement éclater l’unité de
temps et de lieux du travail. De nouvelles organisations se mettent en place
autour d’une multitude d’espaces de
co-working situés dans les bassins de
vie, les centres villes, et très équipés en
outils de télé-conférence, en salles de
réunion. Les grands centres d’affaires
disparaissent, le marché immobilier des
particuliers se transforme car le travail
à domicile devient pratique courante.
L’accès au système d’informations et
au réseau social de l’entreprise (écosystème étendu) constitue les nouveaux
points d’attache au collectif de travail,
les nouveaux « privilèges ». L’activité économique se décentralise. La pluriactivité
se développe.

2) « Tous entrepreneurs ! »
La pression au travail dans les entreprises, et la précarité des emplois sont
telles, que la majorité des travailleurs
fait délibérément le choix du statut
d’indépendant. Le CDI devient tellement
illusoire et peu épanouissant, qu’il vaut
mieux multiplier les temps partiels, et
la multi-activité, voire les petits boulots
pour augmenter ses revenus et étaler
les risques. La pluriactivité se développe
rapidement dans toutes les catégories
sociales, depuis les «travailleurs pauvres»
contraints de cumuler plusieurs jobs,
jusqu’aux cadres qui développent
en auto-entrepreneurs des activités
complémentaires.
De leur côté, les entreprises se réorganisent autour de noyaux restreints de
salariés stables, aux côtés desquels une
multitude de collaborateurs viennent
prendre place pour des missions spécifiques. Chaque individu devient responsable de développer et de valoriser ses
compétences et son «employabilité». Si
cette tendance convient bien aux «travailleurs du savoir», son extension aux
travailleurs plus âgés et moins quali-

fiés pose en revanche des problèmes
majeurs. Il faut inventer un nouveau filet
de sécurité.

3) Entreprise étendue
Plusieurs fonctions de l’entreprise sont
externalisées auprès des consommateurs : les internautes participent activement à la création de produits, à la
communication sur des marques, à la
vente des produits d’une entreprise par
marketing viral. De nouveaux modes
de rétribution et de rémunération
apparaissent.

4) L’open data des

Page 23

des salaires, retour d’un management
autoritaire, tyrannie de l’urgence et de
l’adaptation, focalisation sur le court
terme), les entreprises font face à de
nouvelles crises : internes. Les salariés
n’ont plus confiance dans les entreprises. Des pratiques de sabotage,
de fuite d’informations stratégiques
deviennent courantes. Les individus
échangent sur les réseaux, des colères
grondent de manière éparse et spontanée, et échappent complètement aux
forces syndicales. Par l’intermédiaire des
réseaux sociaux et un effet de contagion, les révoltes deviennent révolutions,
et plusieurs directions d’entreprises sont
renversées en même temps. Les salariés veulent autodéterminer et autoorganiser leur travail pour que celui-ci ait
du sens. Les organisations se démocratisent et se moralisent (RSE).

entreprises
La coexistence au travail de l’équipement
personnel et des systèmes d’information
professionnels font peser d’énormes
risques de sécurité aux entreprises. Les
informations stratégiques sont captées
au travers d’échanges de convivialité sur
les réseaux. Les réseaux sociaux professionnels (de type linkedin, viadeo)
deviennent officieusement des organismes d’intelligence économique, tant
l’analyse des cartographies des réseaux
sociaux en disent long sur les projets en
cours, les interactions. Le coeur stratégique des entreprises est aussi mis en
danger par des détournements d’informations, pratiqués par les salariés militant revendiquant une réciprocité de
la transparence : si les données des
administrations doivent être ouvertes,
si les données des usagers sont sans
cesse captées, alors les entreprises ne
peuvent plus être opaques. Elles doivent
assumer et mener leur propre dynamique « open data ».

6) Nouvelle maladie professionnelle : le « burn
out »
L’identité numérique, rendue publique
sur les réseaux, prime de plus en plus
sur l’identité réelle des personnes. La
réflexivité sur soi est constante : rien des
faits, des écrits n’est oublié, les réseaux
relationnels professionnels s’accumulent
au fil des années, sans que la page des
expériences passées puissent être tournées. Les CV / eportfolio sont nourris
par les réseaux eux-mêmes : l’individu,
son évolution de carrière, son identité
numérique dépendent de plus en plus
des autres. Cette perte de contrôle de
l’image publique conduit de plus en plus
à des burn out identitaires. Les individus
ne se retrouvent plus ou ne s’assument
plus eux-mêmes.

7) Les big data : point fort
5) La place Tahrir dans

du revenu universel

les entreprises

d’existence

Suite à la crise économique 2008-2012,
qui a été l’occasion de nouvelles pressions sur le travail (dégraissage, blocage

La réutilisation des données personnelles, symbolisée par les « Big Data
», fait l’objet de luttes sociales et politiques importantes. Les entreprises

5 - Points de bifurcation possibles ou points de rupture potentielle

pratiquant l’analyse et la réutilisation
des données personnelles sont petit à
petit contraintes à payer des droits de
réutilisation aux usagers (façon CNIL /
SACEM). Un revenu universel d’existence
se met en place petit à petit, autour de
cette rétribution par le secteur privé, et
d’une allocation versée par les Etats. Les
pratiques de travail se transforment.

8) Le travailleur nomade
et sa musette d’outils
numériques
Comme les ouvriers qualifiés d’avant
la révolution industrielle, les individus
rejoignent les organisations munis de leur
propre « musette » numérique : des équipements, des environnements de travail,
des réseaux professionnels actifs, mais
aussi des expériences, des acquis professionnels, des méthodes. Grâce à une
professionnalisation des outils grand
public, les individus au travail capitalisent
sur leurs expériences, se forgent des
savoir-faire.
Page 24

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Page 28

Repenser la place des individus au
travail dans une société numérique

”

”

Partenaires de l’expédition

Avec le soutien des grands partenaires de la Fing

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Synthese bibliographique digiwork-2012

  • 1. Page 1 Repenser la place des individus au ” travail dans une société numérique ” Synthèse bibliographique de la littérature scientifique “Travail/ Entreprises/ Numérique“ Remarques Ce travail a été réalisé en amont du lancement de l’expédition FING DIGIWORK pendant l’été 2012. Il a ensuite alimenté les réflexions sur « le travail et l’entreprise » de l’étude prospective La dynamique d’Internet, prospective 2030, publiée par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective en juin 2013. Nous faisons le choix de publier ce “ document de travail “ tel que produit initialement pour fournir aux membres de la communauté ouverte Digiwork les éléments de lecture ayant servi à la réflexion. Nous prions donc les lecteurs d’être indulgents quant au style, aux possibles approximations, aux manques, aux fautes restées cachées… Nous sommes bien sûr preneurs de toutes remarques enrichissant la réflexion, et vous invitons à cet effet à rejoindre le groupe Digiwork du réseau social de la FING.
  • 2. Page 2 Page 3 SOmmaire 01 02/05 0 - introduction 1 – Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise 1.1 Le travail un fait total, forgé, depuis le 19e siècle, dans le rapport à la technique 1.2 Des crises économiques masquant des crises du travail et de l’entreprise 1.3 Un modèle en transition vers une économie de la connaissance 1.4 En question 06/11 2 - L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles 2.1 L’entreprise : lieu par excellence de l’innovation technologique ? 2.2 L’entreprise : lieu par excellence de l’activité inventive ? 2.3 En question 12/17 3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières 3.1 Le travail sous pression 3.2 De l’éclatement 3.3 De nouvelles figures de travailleur : de l’activité à l’empowerment 18/21 4 - Enjeux et risques identifiés, évolutions et rapports de force 4.1 Les tensions fondatrices 4.2 Les grands enjeux 22/23 5 - Points de bifurcation possibles ou points de rupture potentielle 1. Nouvelle géographie des entreprises 2. “ Tous entrepreneurs ! “ 3. Entreprise étendue 4. L’open data des entreprises 5. La place Tahrir dans les entreprises 6. Nouvelle maladie professionnelle : le « burn out » 7. Les big data : point fort du revenu universel d’existence 8. Le travailleur nomade et sa musette d’outils numériques 24/26 bibliographie
  • 3. Page 4 Page 1 0. INtroduction Le travail subit de nombreuses pressions issues du numérique : éclatement de l’unité de temps et de lieu par la mobilité des équipements et l’accroissement du travail immatériel, effacement des frontières entre vie privée et vie professionnelle, processus d’innovation ouverte, intensification du travail, accroissement des contrôles et de la surveillance, risques de sécurités, pannes, dysfonctionnements, inégalité de compétences d’usages entre jeunes et vieux… mais aussi hausse de productivité et diminution du nombre d’emplois, effacement des frontières entre travail et activité. Ainsi, analyser l’impact des TIC sur le travail, c’est considérer le travail aux prises avec le progrès technique, sous trois dimensions imbriquées : >>    l’évolution des pratiques de travail dites productives ou non productives, et dans leur rapport au temps, à l’espace, aux collectifs ; >>    l’évolution des interactions individuelles et des collectifs de travail : émergence, cadre, organisation, finalité, valorisation, redistribution de la valeur, etc. >>    l’évolution du système productif : la production de la valeur et sa mesure, la redistribution des richesses en revenus, en droit de protection et en droit de formation. Or l’ensemble de ces dimensions est impactée par le numérique, mettant en crise le travail et l’entreprise. L’article s’attache à mettre en évidence, au-delà des problématiques d’emploi, les transformations intrinsèques au travail et aux collectifs de travail, pour questionner, in fine, « la valeur » : sa production, sa captation, sa redistribution, dans un contexte où plusieurs modèles économiques coexistent, et sont en tension.
  • 4. Page 2 1 - 1 Le travail un fait total, forgé, depuis le 19e siècle, dans le rapport à la technique 1. Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise Les conceptions modernes du travail et de l’entreprise se sont forgées à la fin de la première révolution industrielle dans un lien étroit avec le progrès technique. Selon B. SEGRESTIN et A. HATCHUEL (2012) le développement de la science et des technologies de l’époque - électricité, chimie, mécanique - a joué un rôle central dans l’émergence de l’entreprise. Pour savoir exploiter et accélérer le progrès technique, domestiquer l’innovation, il a fallu organiser l’activité inventive. Or les compétences nécessaires ne préexistent pas, c’est le collectif qui les détermine et les fait naître. L’entreprise se construit alors autour de l’innovation et la création collective (Les auteurs avancent pour preuve le nombre croissant d’ingénieurs et de dépôt de brevet depuis la fin du 19e siècle). La relation de travail n’est pas une relation marchande, mais une relation de coopération et d’apprentissage collectif sur le long terme. Les individus engagés dans l’action doivent accepter, pour innover, de se conformer aux règles collectives et voir leurs potentiels transformés en fonction des orientations communes. Le travail s’est ainsi structuré dans le cadre même de l’entreprise, et dans un rapport étroit à la technique. Au cours du 19e et 20e siècle, il est devenu un fait total, sédimentant trois caractéristiques centrales (MEDA D., 1995) : la production de richesse et l’obtention d’un revenu 2) la liberté de création et d’épanouissement personnel 3) l’obtention de droits et de protection. 1 - 2 Des crises écono- Aujourd’hui le travail et l’emploi sont au cœur de la valeur et du système productif capitaliste (croissance, revenu, consommation). Depuis les années 90, l’économie des pays de l’OCDE se caractérise globalement par des crises économiques régulières, une croissance faible et un taux de chômage élevé. Un constat s’impose : l’économie ne produit plus suffisamment d’emplois rémunérés. En 2012, l’économie mondiale (International Labour Organization, 2012) affiche peu d’amélioration : une croissance faible aux alentours des 3%, voire nulle, et un maintien dans le chômage d’une grande partie des populations actives (6% en moyenne dans le monde, 11,6 % en zone euro) dont les jeunes (12% de chômage pour les jeunes dans le monde, 22% en zone euro). D’après l’Institut du Travail, la capacité de l’économie mondiale à créer de nouveaux emplois a nettement baissé. Or en retour, la diminution du pouvoir d’achat des actifs participe au maintien d’un faible niveau de croissance. Au-delà du prisme des crises économiques, l’analyse de la structuration du marché du travail depuis les années 90 met à jour des tendances constantes, et similaires aux pays de l’OCDE. Les grandes tendances du marché du travail dans les pays de l’OCDE de 1990 à 2011 Un accroissement de la population active et de son niveau de formation >>    un accroissement de la population active globale ; >>    une masse salariale plus âgée (allongement de la durée de la vie en bonne santé et augmentation du taux d’emploi des travailleurs âgés 55/64ans) et plus féminine ; >>    une augmentation du niveau de formation chez les jeunes adultes . miques masquant des crises du travail et de l’entreprise L’emploi en difficulté dans presque tous les pays de l’OCDE Une durée du travail en constante diminution >>    une durée moyenne annuelle qui a fortement diminué de 1998 à 2008 (passant de 1821 à 1764 heures en moyenne), et continue à diminuer. En Europe la durée moyenne est Page 3 1 – Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise passée de 40H en 1991 à 36h en 2010. A noter : cette durée moyenne est aussi tirée par l’accroissement du temps partiel et l’impact du “sous-emploi” - réduction du temps de travail pour faire face à la crise) des 10 % de travailleurs les mieux payés ont augmenté par rapport à ceux des 10 % de travailleurs les moins bien rémunérés, depuis le milieu des années 1990. >>    Une augmentation de l’emploi à temps partiel . En Europe, cette catégorie représente 17% des salariés en 1991, 21% des salariés en 2010, et particulièrement des contrats de moins de 20H - 8% en 1991 à 14% en 2010. La faute aux technologies…? >>    Une augmentation du chômage de longue durée . >>    pour un rôle d’amplificateur de la globalisation et de la mise en réseau de l’économie, du à la dématérialisation, (CASTELLS M. 2001), et avec pour conséquence une interdépendance mondiale de l’économie, et un emballement de la finance. Un niveau de productivité en hausse >>    une progression toujours plus rapide de la productivité du travail depuis une quinzaine d’années (aux USA, la productivité aurait progressé de 25% de 1967 à 1982, puis de 30% de 1997 à 2007 ). >>    depuis 1991 le niveau de productivité du travail dans les pays développés reste beaucoup plus importants que dans les pays en développement (sauf pour l’Asie qui les a rattrapés) : en 2011 le travailleur moyen d’un pays en développement produit moins d’un cinquième de la production du travailleur moyen d’un pays développé . >>    une intensification du travail a été observée en Europe puis 90 à 2000, puis s’est ralentie sur la dernière décennie . Baisse de la valeur produite par le travail et inégalité de répartition des gains >>    Un recul de la part du travail dans les revenus des pays de l’OCDE. Les raisons identifiées sont la hausse de la productivité et l’accroissement de l’intensité capitalistique, l’intensification de la concurrence nationale et internationale, l’affaiblissement du pouvoir de négociation des travailleurs et l’évolution des institutions de la négociation collective. >>    Une augmentation des inégalités de revenu marchand : dans 16 des 19 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, les gains Vis-à-vis de ces “tendances de fond“ observées sur deux décennies dans presque tous les pays de l’OCDE, l’impact des technologies est habituellement pointé à deux titres : >>    pour un rôle d’accroissement de la productivité du travail ; productivité qui transforme les tâches, les fonctions nécessaires à l’activité, et en particulier en diminue le nombre (BRIAN A., 2011). Jérémy RIFKIN (1995) dès 95 prévoyait que les TIC, ayant gagné tous les pans de l’économie (suite à l’informatisation massive des entreprises durant les années 80 et des marchés financiers) conduiraient à une productivité très forte des entreprises, et une croissance sans emploi. L’économie numérique plus destructrice que productrice d’emploi ? Aujourd’hui même l’économie numérique, secteur de grande productivité et porteur de croissance, se révèle peu créatrice d’emplois, à l’image de la Silicon Valley en perte nette d’emploi depuis 15 ans. “Depuis dix ans, on croit que le numérique va créer des emplois. Or il crée peu d’emplois directs, et contribue plutôt à supprimer des bureaucraties ou des rentes. L’optimisation sans précédent qu’il permet (dans le domaine de la consommation, des services) devrait contribuer à faire baisser le travail, au sens ancien du terme. Mais pas l’activité : car en amont du travail proprement dit (produire un service, un bien, un contenu), on voit se développer toute une activité de veille, d’autoformation, d’e-réputa-
  • 5. Page 4 1 – Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise tion, de connexion, d’échanges, d’expérimentations…“ (COLIN N., VERDIER H. 2012) 1-3 Un modèle en transition vers une économie de la connaissance La part croissante du travail immatériel Depuis la fin des années 90 les analyses issues de tout champ disciplinaire – théories de la croissance, théorie du changement technique et de l’innovation, théorie économique… - convergent pour affirmer l’émergence d’une économie de la connaissance (CORSANI A. 2003). Economie de la connaissance, nouvelle ère informationnelle, société de la connaissance, capitalisme cognitif… Le flottement sémantique sous-jacent aux différentes dénominations révèle des oppositions d’analyse quant à l’impact des technologies dans cette révolution du travail et du système productif. Le point commun entre ces différentes théories est la reconnaissance de la part grandissante du « paradigme informationnel » dans le travail (CASTELLS, 1996) : le travail, même d’exécution, est de plus en plus un travail de gestion d’informations, et qui nécessite de l’analyse, des prises de décision. La réponse politique de l’Europe L’Union européenne a fait de l’économie de la connaissance son axe majeur de développement économique sur les années 2000/2010, à travers la Stratégie de Lisbonne . Ce qui devient stratégique dans le travail repose sur les compétences technique, scientifique, organisationnelle et communicationnelle et les capacités créative et adaptative. Le noyau de l’économie de la connaissance est lié à l’appropriation des connaissances et à la production continuelle d’innovation. La transformation vers l’économie de la connaissance soulève en effet de complexes questions sur « la valeur » des biens informationnels au regard de leurs principes de non-rivalité et non-exclusivité et du processus de « pollinisation » à l’œuvre (MOULIER-BOUTANG Y. 2010). Des positions antagonistes se développent entre : >>    un marché sophistiquant un droit de la propriété privée par de « nouvelles enclosures » : brevets, licences, DRM ; (ne serait-ce que par les rentes monopolistiques que la valorisation marchande de la connaissance recrée parfois), >>    et des courants communautaires proposant de nouvelles méthodes de production et de diffusion de connaissances, sans droit de propriété exclusif (une conception des « biens communs informationnels » : logiciel libre, licence GNU, Creative commons) (VECAM, 2011, JULLIEN N., 2010). Les productions collaboratives s’autorisent désormais à concurrencer de manière frontale les productions « propriétaires », à la fois sur la qualité, sur le prix et sur les valeurs. La tension entre marchand et non-marchand est forte. Elle laisse place à des formes alternatives de conception, de production, de consommation, de gestion des cycles de vie des produits… mais aussi à des formes nouvelles de contrôle et de privatisation des savoirs (via par exemple les DPI Deep Packets Inspection). L’hypothèse cognitif du capitalisme Les théories du « capitalisme cognitif » différent de celle de l’économie de la connaissance, par leur conception spécifique du rôle joué par les technologies, et leur impact sur les conceptions du travail. Pour (NEGRI A., 2008), le passage du capitalisme industriel à un capitalisme cognitif n’est pas prédéterminé par les technologies mais accéléré par elles : « les TIC ne peuvent correctement fonctionner que grâce à un savoir vivant capable de les mobiliser, car c’est la connaissance qui gouverne le traitement de l’information, information qui demeure autrement une ressource stérile, comme le serait le capital sans le travail. La force créatrice principale à Page 5 1 – Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise la base de la révolution des TIC ne provient pas d’une dynamique d’innovation impulsée par le capital. Elle repose sur la constitution de réseaux sociaux de coopération du travail souvent porteurs d’une organisation alternative aussi bien à l’entreprise qu’au marché comme formes de coordination de la production ». Le savoir et la connaissance étaient auparavant incorporés au capital fixe de l’entreprise. C’est aujourd’hui le « travail vivant » d’une population instruite, cultivée, qui fait la différence, et joue le rôle joué jadis par le capital fixe. La connaissance est de plus en plus collectivement partagée, à l’intérieur des entreprises comme dans leurs rapports à l’extérieur. « A l’échelle de chaque entreprise, l’activité créatrice de valeur coïncide de moins en moins avec l’unité de lieu et de temps propre aux réglages des temps collectifs de la période fordiste. D’autre part, et à l’échelle sociale, la production de richesses et de connaissances s’opère de plus en plus en amont du système des entreprises et de la sphère marchande » (NEGRI A. 2008). L’humain, nouveau capital Cette conception du « travail vivant » fait du « capital humain » et du niveau d’instruction de la population active « le facteur crucial de la nouvelle richesse des nations » (MOULIER-BOUTANG Y. 2007). L’humain devient le nouveau capital et ses capacités d’apprentissage, d’innovation, d’adaptation continue, de formation sont centrales. Bien que cette affirmation puisse être partagée par les théoriciens néo-marxistes comme par le groupe d’intérim Manpower , ses implications en terme d’organisation du travail peuvent être, elles, très opposées. En effet la création de connaissances, nouveau moteur de l’économie, est conditionnée aussi bien par ce qui se passe dans l’entreprise, que par ce qui se passe en dehors. Autrement dit, les entreprises n’ont plus la détention de cette production de connaissances utiles à leur compétitivité. Les connaissances « correspondent au contraire aux productions collectives de l’homme pour et par l’homme assurées traditionnellement par les institutions communes du Welfare State (santé, éducation, formation, culture, recherche publique et universitaire, etc.)” (NEGRI 2008). Le développement de l’individu social représente le fondement essentiel de la production et de la richesse. Les activités hors travail deviennent alors aussi importantes que les activités au travail, car c’est là que les individus développent leur intelligence, leur vivacité, leur capacité d’improvisation, de communication et de coopération. Cette nouvelle donne pourrait être source de « résurgence de conflits portant sur l’autodétermination de l’organisation du travail et les finalités sociales de la production » (VERCELLONE C., 2008). Les exigences des travailleurs à l’égard de l’entreprise pourraient augmenter. 1 – 4 En question Pour les analystes du capitalisme cognitif, cette nouvelle conception du travail pourrait avoir plusieurs conséquences : >>    premièrement il pourrait devenir impossible, à l’avenir, de séparer invention et innovation, production et innovation, producteur et utilisateur (CORSINI 2003), si ce n’est sous l’angle de la redistribution, ou non, des richesses qui résultent ; >>    deuxièmement le travail immatériel tendrait à se confondre avec un travail de production de soi (GORZ A. 2003), et requerrait ainsi une mobilisation totale des capacités et des dispositions des individus, y compris affectives. “Désormais, il ne nous est plus possible de savoir à partir de quand nous sommes “en dehors” de ce qui peut nous être demandé au travail. A la limite, ce n’est plus le sujet qui adhère au travail ; ce serait plutôt le travail qui adhère au sujet” . >>    troisièmement, dans la même lignée, le concept même de travail productif pourrait s’étendre à l’ensemble des temps sociaux. La connaissance, soit-elle artistique, philosophique, culturelle, langagière ou scientifique, pourrait devenir alors une marchandise comme les autres.
  • 6. Page 6 Selon Ségrestin-Hatchuel, la nature profonde de l’entreprise moderne (exploiter et accélérer le progrès technologique, en organisant l’activité collective, inventive), a été dévoyée par la financiarisation accrue de l’économie . 2L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles Or à partir des années 2000, une autre évolution déstabilise la nature même de l’entreprise : la démocratisation des technologies et leur diffusion au grand public. Cette dynamique a eu des impacts forts sur l’organisation du travail (éclatement de l’unité de temps, de lieu), sur les interactions entre l’entreprise et ses partenaires/fournisseurs (des collaborations productives se tissent en dehors de l’entreprise), sur les espaces d’émergence de l’innovation. L’entreprise n’est plus le lieu privilégié de développement et d’usages des technologies, ni non plus le seul lieu de l’innovation. 2 - 1 L’entreprise : lieu par excellence de l’innovation technologique ? Jusqu’en 2000 l’entreprise est le lieu privilégié des technologies de pointe Les années 1970-1990 ont connu l’informatisation massive des entreprises, avec des dynamiques successives de centralisation et de décentralisation. La littérature académique est abondante sur les processus d’implémentation et l’impact de l’automatisation, des solutions de gestion intégrée (EDI, puis PGI, ERP ), des systèmes d’information internes (intranet, extranet), de l’informatique individuelle et du développement du réseau internet... L’équipement informatique des entreprises s’est déroulé de manière successive jusqu’en début 2000. Le changement complet des parcs informatiques pour le passage à l’an 2000 et le passage à l’euro a été une aubaine pour les SII. Mais l’éclatement de la bulle internet qui leur a succédé, a marqué le ralentissement de l’investissement des entreprises dans l’outil de travail. Aujourd’hui 94% des entreprises sont connectées à Internet, même si ce chiffre cache des disparités importantes en matière d’équipement (en fonction de la taille et du secteur d’activité), comme d’usages (en fonction des métiers, du niveau de diplôme, etc.). D’après LASFARGUES Y. (CAS, 2012), on peut estimer qu’environ 64% des salariés en France travaillent sur écran, et que plus de 30% disposent d’un outil de mobilité. Jusqu’au tournant de l’an 2000, l’entreprise représentait le lieu même de la captation de l’innovation technologique issue de la R&D, et le lieu par excellence des technologies de pointe. Or sur la dernière décennie, un important mouvement de démocratisation des technologies numériques et des technologies de pointe a modifié les équilibres. Après 2000, une démocratisation des technologies plus rapide dans la société que dans les entreprises « La baisse du coût des technologies est une constante depuis cent vingt ans » (COLIN N., VERDIER H. 2012). Les années 2000 ont marqué la démocratisation de l’informatique et l’équipement personnel du grand public (ordinateur, téléphone portable, imprimante). Celui-ci s’est développé plus vite dans le grand public que dans les entreprises. Aujourd’hui 86% des actifs français ont accès à internet depuis chez eux, contre 54% sur leur lieu de travail (pour les ouvriers 78% au domicile contre 25% au travail (LASFARGUES Y. in CAS, 2012). Les loisirs ont stimulé les usages. Et c’est au sein du foyer que la formation et l’appropriation des TIC sont les plus fortes. « (…) L’entreprise n’est plus le lieu de l’innovation des TIC. Les entreprises, mais aussi toutes les institutions (administrations, hôpitaux, etc.) vivent plus ou moins bien ce décalage technologique qui semble indiquer qu’elles sont moins bien équipées que les foyers. Elles doivent aussi apprendre à gérer le fait que les mêmes outils puissent donner lieu à des utilisations « loisirs » et des utilisations « professionnelles ». (…) D’autre part, les utilisateurs, plus formés donc plus critiques que par le passé deviennent plus exigeants et comparent l’ergonomie intui- Page 7 2 - L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles tive et ludique des logiciels « grand public » à l’ergonomie austère et complexe des logiciels entreprise. Ils ont aussi souvent tendance à s’étonner que le matériel professionnel soit moins performant que le matériel personnel » (LASFARGUES Y. in CAS, 2012). De grandes firmes comme Apple ont compris cette évolution en n’ayant plus d’offres commerciales privilégiées à destination des entreprises. « Mobilité » et « informatique dans les nuages » : vers un éclatement de l’unité de lieu et de temps de l’entreprise A partir des années 2000, la part d’investissement des entreprises dans l’outil de travail s’est focalisée sur la portabilité des équipements (ordinateurs, téléphones, tablettes, Smartphones) et de « l’informatique dans les nuages » (l’accessibilité – hors les murs de l’entreprises – des contenus, des applications, des services). « L’informatique dans les nuages ou ‘cloud computing’ permet à l’entreprise de disposer à distance et à la demande de ressources informatiques, qu’il s’agisse d’infrastructures, de plateformes, ou de logiciels d’application. (KLEIN T. in CAS 2012). Entre l’équipement individuel mobile et l’accès à distance au système d’information, les conditions sont réunies pour que un grand nombre de collaborations de travail se déroule aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise, dans le cadre des heures officielles de travail ou en dehors. L’unité de temps et de lieu éclate. Des pratiques nouvelles se développent : le télétravail, le free seating ou desk sharing (partager ou ne plus avoir de bureau dans l’entreprise) et même le nearshoring (externalisation de l’activité vers des personnes travaillant depuis chez eux, pour faire baisser les coûts). Pour les travailleurs du savoir, le travail à distance se banalise. Les TIC permettent de travailler n’importe où, n’importe quand, rendant ainsi le travail intellectuel « ubiquitaire ». (BENEDETTO-MEYER M, KLEIN T., in CAS 2012) Des systèmes d’informations en tension et risques sécuritaires Une culture du travail mobile, hors les murs et de l’équipement personnel s’est développée au point qu’aujourd’hui 70% des étudiants universitaires pensent que le bureau est dépassé, et qu’il n’est pas nécessaire de s’y rendre régulièrement. 3 étudiants sur 5 considèrent que le télétravail et la souplesse des horaires sont des droits. Et 80% d’entre eux veulent pouvoir choisir leur propre matériel de travail. Les pratiques de BYOD « Bring your on device » deviennent courante . En tout cas les individus sont de plus en plus nombreux à hybrider leurs outils : à venir au bureau avec leur propre équipement (souvent plus performant que celui de l’entreprise), à contourner les systèmes d’information trop rigides en ayant recours à leur smartphone, leur ordinateur personnel. D’un côté les systèmes d’information focalisent les tensions en étant vécu comme des systèmes contraignants, accroissant la charge, la complexité, la lenteur du travail, particulièrement en cas de dysfonctionnements . De l’autre ils deviennent cependant centraux dans la relation du travailleur à l’entreprise, particulièrement en situation de travail « hors les murs » : il en constitue le « système nerveux », et le nœud d’appartenance. Ces pratiques deviennent très problématiques pour les entreprises n’étant plus capables d’assurer la sécurité informatique des échanges, la traçabilité des usages, la sécurisation des données. Les risques sont multiples : perte de confidentialité des informations stratégiques, attaques malveillantes du système d’informations, dysfonctionnements et ruptures accidentelles. Les Lab : démocratisation de la propriété et de l’usage des outils technologiques La double dynamique de démocratisation des outils technologiques et de travail collaboratif a donné naissance à des dispositifs d’un genre nouveau : les FabLab / Biolab (ex: lapaillasse.org) / Robolab / Brainlab... Ces dispositifs de nature plutôt associatives mutualisent des outils technologiques de pointe afin de les rendre accessibles à un plus grand nombre de personnes, capables
  • 7. 2 - L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles d’en imaginer des usages ou des projets nouveaux, par le biais de l’intelligence collective. Les fablab sont ainsi « des plateformes de prototypage rapide d’objets physiques, s’adressant aux entrepreneurs, designers, artistes, étudiants » (EYCHENNE F., 2012), et qui se caractérisent par : >>    leur ouverture : gratuitement ou un tarif très accessible ; >>    leur communauté : la communauté des utilisateurs anime le lieu, apporte ses savoir-faire, ses compétences ; >>    et la dynamique de démocratisation de la fabrication : la fabrication personnelle, le Do-It-Your-Self prévalent, et font baisser les barrières à l’innovation. Si la propriété des outils change, ceux-ci n’étant plus l’apanage des entreprises ou des laboratoires institutionnels de recherche, les capacités de production qui en découlent aussi. 2 – 2 L’entreprise : lieu par excellence de l’activité inventive ? Avant le progrès scientifique était réincorporé dans l’entreprise, et l’innovation prenait corps dans le travail des équipes de R&D au sein des entreprises. Avec la baisse du coût des technologies, et leur diffusion massive dans la société, les choses changent : les processus d’innovation s’ouvrent. Des activités inventives, productives se développent dans l’entreprise comme au-dehors. Place des collaborateur/ partenaire/fournisseur Sur les vingt dernières années de contexte économique tendu, les entreprises ont cherché à développer des interactions de travail d’une grande adaptabilité avec leurs salariés comme leurs partenaires (fournisseurs, prestataires, etc.). L’informatisation rend possible le « saucissonnage » (unbundling) de la quasi-totalité des maillons de la chaine de valeur, leur recomposition sous Page 8 d’autres formes, mais aussi l’émergence d’acteurs spécialisés sur chacun de ces maillons. Beaucoup de fonctions ont ainsi été externalisées. Des intermédiaires ont disparu, d’autres sont (ré)apparus. L’entreprise (re)compose ses équipes au gré des besoins des « projets », sur un mode horizontal. Des partenaires et fournisseurs sont associés de manière presque organique à la conduite de projets, à la conception d’innovation, à la production « juste à temps ». Si la souplesse de ce mode de collaboration, quand celui-ci fonctionne, permet une productivité plus grande, elle peut créer en revanche une moindre fidélité des collaborateurs et engendrer des réseaux éphémères. In fine, par le besoin d’animer constamment l’éco-système de collaborateurs, les « coûts de transaction » augmentent. Affaiblissement et transformation des liens de subordination : vers un management de la subsidiarité ? D’un côté la rationalisation des process et la traçabilité des actions rendues possibles par l’informatique tendent à offrir des outils d’organisation et de contrôle du travail aux managers. Mais de l’autre la déspacialisation, l’individualisation, et les pratiques de contournement bousculent le management classique : elle nécessite de renforcer les échanges avec les collaborateurs, l’écosystème de partenaires ; de leur laisser une plus grande part d’autonomie et une souplesse d’organisation. Elle modifie la comptabilisation du temps de travail, qui devient plus difficile. Le management de l’écosystème de partenaires est lui aussi complexe. Ceux-ci souhaitent être considérés comme des maillons essentiels de la chaîne, et non plus comme de simples sous-traitants. Pour s’assurer de leur disponibilité, de leur fidélité, de leur implication, le manager doit constamment animer le réseau, dans un rôle de « community manager ». Pour conduire les employés comme les prestataires, au niveau d’autonomie et de responsabilisation souhaité, un management de la subsidiarité se met en place : les individus ne reçoivent plus Page 9 2 - L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles des ordres mais des « pouvoirs d’agir ». Manager les connaissances ou créer les conditions du travail collaboratif ? Pour faire face aux nouveaux besoins de management des connaissances en entreprises, le knowledge management a tenté de fournir, au tournant du 21e siècle, des outils et des méthodes. L’objectif est à la fois de manager le patrimoine immatériel de l’entreprise (ses méthodes, sa culture, ses mémoires, ses valeurs, ses brevets, ses documents de travail…), et de capter, faire circuler, transmettre les savoirs et les savoir-faire des individus qui la composent. « Le KM est une approche qui tente de manager des items aussi divers que pensées, idées, intuitions, pratiques, expériences émis par des gens dans l’exercice de leur profession » (PRAX J.-Y., 2000). Il sous-tend l’intelligence économique de l’entreprise, c’est-à-dire sa capacité à identifier, manier, partager les informations stratégiques pour elles. Si les différents projets de KM ont connu, sur la décennie passée, des succès parfois mitigés, ils n’en ont pas moins servi de phase « d’essai ». Plus que le stockage et la catégorisation des savoirs, l’enjeu est aujourd’hui de mettre facilement en relation les individus, via des réseaux sociaux, et de favoriser le travail collaboratif. Au-delà des réseaux sociaux d’entreprise, d’autres outils de partage et de travail collaboratif voient le jour, dont le plus durable d’entre eux : le « wiki ». Absence de corps intermédiaires et régulation sociale des collectifs en question Les syndicats et corps intermédiaires sont eux aussi touchés par l’impact des TIC : à commencer par les modes de communications aux salariés (pas tous présents sur les lieux de travail, pas tous équipés d’ordinateurs ou d’adresse mail), que la dématérialisation a complexifiés : l’utilisation des systèmes d’information internes ou de la messagerie professionnelle ne fait pas l’objet d’un encadrement juridique clair . L’exercice de communication dépend « du bon fonctionnement du réseau informatique de l’entreprise » et de « l’absence d’entrave à l’accomplissement du travail ». Par ailleurs la traçabilité des échanges remet en question leur confidentialité interne (risque d’interception par la direction), comme externe : si les échanges se déroulent à l’extérieur de l’entreprise, de son SI, les informations relevant de la gestion du personnel ou des relations sociales peuvent aussi être plus facilement interceptées par la concurrence. Par ailleurs les nouveaux outils de communication sont parfois mal maîtrisés par les organisations syndicales par manque de moyens, d’expertise ou de familiarité (vieillissement des militants), et qui nuit à la visibilité ou la présence des corps intermédiaires sur les réseaux. Ils remettent aussi en cause les frontières entre militants, adhérents, non-adhérents. Les mouvements syndicaux se sont structurés en regard de l’ancienne organisation du travail (unité de temps / lieu / collectif). Cela les empêche peut-être aujourd’hui d’être présents au sein des dynamiques collaboratives qui se développement aux frontières des organisations, ou entre collectifs d’indépendants. Mais si l’on constate une déstabilisation, voire une faiblesse des corps intermédiaires traditionnels, cela ne veut pas dire que les revendications et le mode d’organisation sociale soient complètement paralysés. De nouvelles formes d’expression sociale voient le jour utilisant les potentialités des TIC pour diffuser l’information stratégique, fédérer les acteurs, accompagner le dialogue social, à l’image du blog lafusionpourlesnuls.com (DRESSEN M., 2011). Spontanées, éparpillées, et parfois éphémères, ces dynamiques ne constituent pas – encore - de contre-pouvoir institutionnel durable, mais elles jouent un rôle de régulateur des relations sociales. Le nouveau paradigme de l’innovation ouverte, permanente, ascendante… Réseaux étendus de collaborateurs, management des connaissances, démocratisation des outils, développement du travail collaboratif… petit à petit la compétitivité d’une entreprise se joue dans sa capacité à innover en continu, à
  • 8. 2 - L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles susciter l’innovation de la part d’autres acteurs de son eco-système, et à capter une part de la valeur créée dans un système d’innovation ouverte (« pollinisation »). En 2005/2006, le concept d’innovation ouverte est théorisé par les américains CHESBROUGH H. et VON HIPEL E. « Le paradigme de l’innovation ouverte forme l’antithèse du modèle traditionnel d’intégration verticale, où la recherchedéveloppement interne débouche sur des produits développés en interne que la firme commercialise ensuite ellemême. (...) L’innovation ouverte est un paradigme qui considère qu’en cherchant à faire progresser leurs produits, les firmes peuvent et doivent utiliser des idées externes autant qu’internes, et des chemins internes et externes vers le marché. » (CHESBROUGH H. 2005). L’innovation émerge des interactions et collaborations de travail, pouvant se situer aux frontières de l’entreprise. La force de la « multitude » (1) : captation de la valeur Les principaux « géants » de l’internet (Google, Amazon, Twitter, Youtube, Flickr…) ont compris cette dynamique d’innovation ouverte et ont poussé le modèle à l’extrême. Plutôt que de produire et de fournir des contenus, ils se sont construit essentiellement sur la captation de la valeur produite par les internautes : contenus, annotations, évaluations, soit toutes traces d’activités… « La principale dimension de la révolution numérique est la puissance désormais à l’œuvre à l’extérieur des organisations, la puissance des individus éduqués, outillés, connectés, la puissance de ce que nous appelons la multitude » (COLIN N., VERDIER H., 2012). Ce qui est au cœur de la production de valeur, pour les auteurs, c’est la créativité de la multitude : c’est-à-dire le résultat de « l’activité cognitive de centaines de millions d’utilisateurs d’applications et de l’infinité d’interactions entre ces centaines de millions d’utilisateurs ». Ce capital humain demeure en-dehors de l’organisation et non accessible dans le cas d’une relation entre un client et son fournisseur. Si ce modèle de la captation de la « contribution des internautes » fonctionne aujourd’hui, ce n’est pas sans soulever Page 10 pourtant d’importantes questions politiques sur la récupération des données à des fins de services marchands, et plus globalement sur la valorisation des contributions. La force de la multitude (2) : production open source A l’opposé de ces exemples, des communautés d’internautes participent sciemment et bénévolement à la production collaborative de connaissances tout en veillant au format de circulation de cette information (licence libre, biens communs informationnels). L’exemple le plus connu étant Wikipédia. Or ce modèle, restreint jusqu’à présent à la production de connaissances, est en train de s’étendre à la production de biens tangibles, d’objets. Ainsi l’expérience de l’ingénieur américain Joe Justice autour de « wikispeed » (un projet de construction de voiture peu chère, peu consommatrice d’essence, rapide, et répondant aux normes de sécurité) montre-t-elle de nouvelles façons de travailler et de produire collectivement, hors de tout cadre organisationnel classique. Pour conceptualiser, développer et produire le véhicule l’équipe s’est appuyée sur une méthode de fabrication extrême , s’appuyant sur des méthodes de Lean (utiliser le moins de chose possible), méthodes agiles (réduire le coût des itérations), scrum (découpages des tâches), XP (extrême programming : travail des équipes en binôme pour la capitalisation des connaissances). Les membres de l’équipe sont tous « volontaires » (bénévoles), provenant du monde entier. Cette initiative nouvelle démontre en tout cas les capacités d’émergence de collectifs de travail productifs via la mise en réseau du net, et de nouvelles formes de management. 2-3 En question >>    La démocratisation des outils technologiques, et leur accès et usage par un plus grand nombre : un mouvement passager ou une tendance de fond ? ; >>    la firme horizontale et l’affaiblisse- Page 11 2 - L’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles ment du lien de subordination laisse place à quel nouveau pouvoir ? Quel nouveau rapport de forces ? Quel corps intermédiaires ? ; >>    Crise de l’entreprise. L’organisation professionnelle : un objet social à réinventer. >>    L’innovation permanente : une exigence de l’économie financière ? >>    L’économie de la contribution : quelle production et redistribution de valeur ?
  • 9. Page 12 3-1 Le travail sous pression Un travail de plus en plus abstrait, complexe et individualisé 3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières L’usage des TIC contribue à changer la nature du travail et des compétences mises en œuvre pour l’exercer : la part d’abstraction (ne serait-ce que lecture, écriture) devient de plus en plus grande « Le commercial ne voit plus le client, le vendeur ne voit plus le stock, l’opérateur ne touche plus la vanne… Il ne s’agit plus d’agir directement mais de recueillir, traiter et transformer des volumes d’information toujours plus importants ». (BENEDETTO-MEYER M., KLEIN T., in CAS 2012) La surcharge informationnelle, du au traitement d’un nombre croissant d’informations morcellées, désordonnées, crée un stress, qui se cumule à des problèmes de dispersion de l’attention au travail (DATCHARY, 2004). Produire un travail de qualité nécessite de savoir/ pouvoir se déconnecter. Les TIC joueraient aussi sur la complexification et l’individualisation des tâches, les individus étant invités à organiser leur propre travail, à travailler en « mode projet » et simultanément sur plusieurs projets, à collaborer et être disponibles pour leurs clients et partenaires extérieurs. En définitive, de l’individualisation des tâches à l’individualisation des trajectoires, le pas est franchi. Intensification du travail et accroissement de la productivité individuelle Le travail est sous pression : de la recherche de productivité, de l’intensification du rythme, de la complexification des tâches, d’un univers marchand hyperconcurrentiel et interdépendant, d’une exigence d’hyperréactivité aux clients. Dans ce contexte, les TIC jouent un rôle d’équipement « des normes de productivité, des visées managériales, de la mise en concurrence et du volume de l’activité » et d’enrichissement de « la panoplie des outils de contrôle ». (CHEVALLET R., MOATTY F. 2012). Cette intensification du travail , observée durant les années 90, semble s’être ralentie dans la deuxième moitié des années 2000 (EUROFOUND DUBLIN, 2011). Pour 67% des travailleurs européens, le rythme du travail dépend en premier lieu des demandes des clients, des usagers, des patients. Or la communication par les TIC participe à créer une culture de l’immédiateté (se sentir obligé de répondre à un email dès réception). Pour BESSEYRE DES HORTS C.-H., ISAAC H., (2006), « l’ubiquité » permise par la portabilité des équipements participe à cette intensification et à l’accroissement de la productivité individuelle « grâce à la réduction des exigences spatiales et temporelles dans la réalisation du travail, l’accroissement de la flexibilité, la diminution des coûts de coordination, l’amélioration de la communication et de l’échange de connaissances, (…) l’immédiateté de l’accès à l’information, la hausse de la performance dans la prise de décision, l’accroissement de la réactivité face aux clients ». Contrôle accru mais inégalement réparti Les TIC renforcent les mesures de contrôle du travail, et ce de plusieurs manières (CHEVALLET R., MOATTY F., 2012) : la prescription visant à encadrer par des normes et des procédures de qualité le travail, le contrôle direct via la surveillance, la traçabilité, ou la remontée en temps réel des résultats, ou enfin le contrôle exercé par les pairs ou les clients. « Les TIC offrent ainsi des modalités de contrôle inédites et performantes qui s’ajoutent ou se substituent à celles qui existent déjà ». La fréquence de contrôle, dans les entreprises utilisant les TIC semble s’intensifier (GREENAN et al. 2012), sauf pour les utilisateurs de TIC avançés, qui « apparaissent comme un salariat de confiance ». Le travail nomade équipé en TIC apparaît aussi moins contrôlé et plus autonome que les autres (COUTROT T., 2004). Tandis que d’autres catégories, comme de métiers ou d’entreprises (voice-picking, téléopérateurs) versent dans l’excès inverse, engendrant baisse de l’engagement au travail et risques psycho-sociaux. Page 13 Panne, incident, dysfonctionnement informatiques Les individus sont de plus en plus dépendants du bon fonctionnement des équipements informatiques et système d’information des entreprises. Selon l’enquête COI 2006, la moitié des salariés déclare un rythme de travail perturbé par des pannes et incidents informatiques. Ce qui est de l’ordre de la perturbation pour les salariés d’entreprises peut se révéler une véritable paralysie pour les travailleurs à domicile, indépendants ou télétravailleurs, ne pouvant compter que sur eux. 3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières travailleurs, l’élargissement de l’ecosystème des collaborateurs, étendu à un réseau de partenaires, fournisseurs, prestataires, etc. ; mais aussi par la complexification de la mesure du temps de travail productif : intimement mêlé à l’ensemble des temps sociaux. Le mode projet tend aussi à remanier les équipes, à faire émerger des chefs d’équipe ponctuels qui doivent leur position moins à un statut hiérarchique qu’à des compétences spécifiques sur le projet en cours et une reconnaissance par les pairs. … de l’étanchéité des sphères privées et professionnelles 3-2 De l’éclatement… …de l’unité de temps et de lieu du travail Les TIC ont contribué de manière déterminante à l’éclatement de l’unité de temps et de lieu du travail. Les pratiques de travail en mobilité, à distance, les pratiques de « débordement » (travail en dehors des heures traditionnelles de bureau) ou d’extra-temporalité, et l’émergence de nouveaux lieux de travail (espaces de co-working, cafés équipés de wifi, espaces Grands Voyageurs SNCF) font désormais partie du paysage. Le travail intellectuel est devenu « ubiquitaire » (BENEDETTO-MEYER M, KLEIN T., 2012), s’affranchissant par là du « bureau ». Le temps perdu n’existe plus et la proximité relationnelle dans les interactions de travail est devenue aussi importante que la proximité physique. L’éclatement spatio-temporel du travail tient aussi au caractère de plus en plus étendu de l’entreprise (externalisation, sous-traitance, partenariat). Les équipes « productives » de travail peuvent être éclatées sur plusieurs structures, dans différents lieux géographiques, faisant courir un risque d’affaiblissement du sentiment d’appartenance. … de la hiérarchie Les pratiques managériales sont modifiées en profondeur par la déspatialisation du travail, la prise d’autonomie des Une des évolutions les plus éprouvées par les individus est la porosité croissante des frontières entre les sphères privées et professionnelles. L’équipement personnel autorise les communications privées au bureau, de même que la mobilité du travail et l’accès au cloud de l’entreprise à distance favorisent le travail à domicile. L’interpénétration se joue dans les deux sens, requérant une véritable agilité temporelle de la part des individus. Si les TIC imposent parfois une disponibilité à tout instant (en particulier dans le cadre du travail mobile, autonome), elles permettent également une vraie concordance des temps entre les heures de travail, l’accès à distance à différents services (e-administration, commerce), la joignabilité des réseaux de proximité. Le possible accomplissement de tâches en parallèle autorise alors la multiplicité d’engagements. « Utiliser les TIC au bureau à des fins personnelles semble renforcer « l’agilité temporelle », non pas seulement dans une optique de rationalisation du temps de travail, mais aussi des autres temps sociaux dominants, comme la famille ou les loisirs » (LE DOUARIN L., 2007). L’enquête de Laurence Le Douarin, portant sur l’usage des TIC dans l’articulation des temps sociaux par la population très spécifique des cadres, valide l’hypothèse du « busyness » : les plus occupés professionnellement se retrouvent également parmi les plus actifs au plan culturel.
  • 10. 3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières … des frontières entre travail et activité La rationalisation des temps par les TIC dépasse ainsi la sphère professionnelle et s’étend au non-travail. Il devient alors de plus en plus difficile de mesurer le temps de travail effectif réel, tant il est imbriqué – et dépendant – de la gestion des autres temps sociaux. Certaines entreprises, telles que Google, ont bien compris cette évolution en proposant, en leur sein, des infrastructures et des services de loisirs. En plus de ses salles de sports, de musique, de cinéma, ses crèches intégrées, ses SAS de décompression, Google autorise par exemple ses salariés à consacrer 1/5 de leur temps de travail à des projets personnels. Ces projets, d’une manière ou d’une autre, - ne serait-ce que par l’émulation forte qui règne et incite les salariés à être créatifs et innovants pour l’entreprise -, pourraient alimenter à l’avenir, les projets de l’entreprise. … de l’affirmation de l’individualité pour la « subjectivité » Plus le salarié a le sentiment de s’accomplir au travail, plus il créé de la valeur, selon le concept de l’empowerment (LE BOSSEE, LAVALLEE, 1993). Le travail a changé, passant du travail au sens d’opération à celui du travail au sens d’événement, tel que le définit Philippe Zarifian (1995). Travailler c’est prendre en charge des événements : à savoir : y faire face avec succès lorsque ces événements sont subis, ou bien les conduire lorsque ces événements sont voulus, provoqués. Cela signifie que le travail est de nature subjective, qu’une part importante dépend du sujet, de son engagement, de ses choix. … des repères : quand l’agilité technique devient agilité sociale La question de l’apprentissage des usages des TIC dans le cadre professionnel pose surtout la question du lien entre TIC et collectifs de travail. Les technologies sont en effet au cœur de la « réflexivité ». « L’apprentissage des TIC renvoie également à des questions récurrentes : pourquoi être ensemble et comment Page 14 s’associer ? Cela exige, de façon réitérée, d’apprendre à s’insérer dans de nouvelles organisations socio-professionnelles, à en comprendre les fonctionnements formels et informels, ainsi qu’à en maîtriser les modes d’évolution. L’habilité à se servir des TIC à son tour favorise la production de nouvelles connaissances sur ces organisations émergentes (…). TIC, réflexivité institutionnelle et apprentissages organisationnels s’entraînent ainsi mutuellement dans un mouvement permanent. » (SAINT LAURENT-KOGAN A.-F., METZGER J.-L. 2007). … de la structuration des temps sociaux : formation initiale, travail, retraite Si l’on considère que le capital humain est à la source de la production de richesse, c’est toute l’organisation des temps sociaux qui est à changer. Le modèle de société se structurant schématiquement autour de trente ans d’apprentissage, trente ans d’activités, trente ans de retraite, n’est ni individuellement satisfaisant, ni économiquement opératoire. La manière dont se dessinent les modes de vie à la retraite incite à reconsidérer l’ensemble de la période de vie active (RIVIERE C., BRUGIERE A., 2010). Le temps libre est un temps formateur qu’il est nécessaire de mieux inclure dans les trajectoires professionnelles, de même que les temps de formation (VIARD J., 2004). Pour une meilleure adéquation entre aptitudes individuelles et marché du travail, il serait nécessaire de sécuriser la formation tout au long de la vie, et le droit temporaire « au répit » (TAVOILLOT P.-H., 2010). Or les TIC peuvent particulièrement favoriser l’articulation des différents temps sociaux, et l’apprentissage tout au long de la vie. 3-3 De nouvelles figures de travailleur : de l’activité à l’empowerment Support d’outils, d’applications et de services, l’internet est aussi porteur d’une certaine « philosophie », que l’on peut qualifier de libertaire, nourrie – dans le contexte américain de ses origines - Page 15 de la critique « artiste » du capitalisme (BOLTANSKI L., CHIAPELLO E., 1999, cité par CARDON D., 2010). Ses idées fortes sont dans sa version la plus radicale : l’autonomie des individus, l’auto-organisation, le refus des contraintes, et dans sa version plus légère : l’authenticité, la créativité, et la transformation de soi (sous-entendu « plutôt que de la société »). Cette philosophie libertaire a nourri des postures nouvelles de travail/activité : mouvement open source, mouvement hacker, génération slasher, qui ne sont pas sans influence sur les évolutions de la relation au travail des jeunes générations, comme des plus âgés. Le travail « open source » Les communautés du « logiciel libre » et de « l’Open Source » revendiquent le développement de logiciels ouverts, et encouragent la liberté d’initiative. Leur production s’appuie sur le travail de communautés de développeurs « individuels » comme des entreprises, venant chacun, améliorer, corriger, étendre le contenu serviciel d’un logiciel, voire le logiciel lui-même, considéré comme un bien commun. Là où leur philosophie diffère, c’est dans la nature des réutilisations. Avec les logiciels libres, les utilisateurs ont la liberté d’exécuter, copier, distribuer, étudier, modifier, améliorer le logiciel, et ce gratuitement. Avec les logiciels open source, c’est essentiellement l’accès aux codes sources qui est gratuit, car des services payants s’appuyant sur les logiciels peuvent être commercialisés. Les activités qui gravitent autour de ces mouvements peuvent être ainsi commerciales (plusieurs milliers d’informaticiens sont salariés grâce à ces modèles) comme non-commerciales (bénévolat). « Get paid, get fit, make something cool », la philosophie du Hacker Cette philosophie de l’autonomie et de la liberté se retrouve aussi dans la figure des « Hackers », mus par la satisfaction des aspirations personnelles, l’épanouissement au travail, et une forte culture du partage (rappelons que les Hackers sont à l’origine de l’internet, des logiciels libres et de l’ordinateur personnel). « Heureux comme un hacker » , titrait récemment 3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières l’Atelier de l’emploi, site éditorial du groupe Manpower, mettant en avant les valeurs de ces travailleurs : « Do it your self », liberté et refus de la hiérarchie. Une devise prévaut : >>    Get paid : « gagne ta vie » ; >>    Get fit : « fais du sport », pour se libérer l’esprit, se maintenir en forme et gagner en confiance en soi ; >>    Make something cool : « amuse-toi ». L’activité de travail, guidée par la passion, devient une voie d’épanouissement, de réalisation de soi. Le texte culte d’Hakim Bey, TAZ Zone autonome temporaire, de 1997, exprime cette philosophie inspirée de l’utopie pirate consistant à « s’exiler dans de microcommunautés apparaissant et disparaissant dans les interstices du pouvoir. (…) Il ne s’agit pas ni de faire la révolution, ni de transformer la société, mais de changer sa vie plutôt que de changer la vie. » (CARDON D., 2010). De la figure du « slasher », « multitasking » … L’autonomie et la liberté dans le travail semblent être des aspirations majeures du nouveau monde du travail et en particulier pour la génération dite « Y ». Consciente de l’instabilité du marché de l’emploi, et des besoins de changement de trajectoire, cette génération a intégré la flexibilité dans son parcours professionnel. Il en émerge une nouvelle catégorie de travailleurs trentenaires, au capital culturel fort, dénommée « slashers » (catégorie encore marginale : leur poids étant estimés à 2,5% de la population active ), mixant volontairement des périodes de CCD, CDI, intérim, auto-entreprenarait, chômage. Que cette instabilité soit volontaire ou subie, les slashers militent pour un cumul d’emplois et le développement de multiples compétences, afin de ne pas être dépendants d’une entreprise, ou d’un secteur professionnel. Cette catégorie de travailleurs reflète-t-elle un véritable « Don Juanisme professionnel » ou une vulnérabilité des travailleurs dont le désir individuel de réalisation de soi est instrumentalisé par le marché ?
  • 11. Page 16 3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières De la figure coopératif du nomade Le secteur des TIC, par ses nouvelles formes d’organisation du travail, seraitil précurseur des entreprises de demain ? C’est la conviction de la chercheuse belge Patricia Vandramin, conviction fondée sur trois caractéristiques : une gestion des ressources humaines très individualisées, des modes organisationnels privilégiant réseaux et projets, et un personnel relativement jeune. Ces travailleurs recherchent de manière constante l’échange entre pairs, la satisfaction dans le travail, et les conditions d’un apprentissage permanent. Mais « cette volonté ne suppose ni la préexistence, ni la pérennité des collectifs, ni leur inscription visible dans l’espace ». D’où la notion de « nomadisme coopératif ». Si ces nouveaux travailleurs aspirent autant qu’autrefois à la solidarité et au collectif, ils l’envisagent sur le modèle du projet (partager des objectifs limités à court terme), dans lequel ils sont prêts à s’engager en sujets – sans délégation –, avec des groupes provisoires composés de salariés appartenant à des métiers et des entreprises divers. Les individus ont toujours le souhait d’intégrer un collectif, mais en étant acteur des transformations de celui-ci (METZGER J.-L., 2005). La figure du « jeune retraité » L’allongement de la durée de la vie en bonne santé modifie le profil de la population active, accroissant la part des travailleurs plus âgés (même si ces derniers peuvent être majoritairement rejetés du marché de l’emploi). En effet les travailleurs plus âgés ont cumulés à la fois du capital et de l’expérience, et, sauf en situation de précarité économique, ils abordent le travail sous l’angle renforcé du sens et de la finalité de leurs actions. Les jeunes retraités profitent du revenu d’existence procuré par la retraite pour continuer à mener une vie active (SEVE L., 2010) pleine de « sens » et très fortement productrice de liens social : articulant des activités professionnelles (via le réseau professionnel), des activités associatives et militantes semi-professionnelles (la majorité des cadres des associations, et du personnel politique, sont des retraités - NOWIK L., MOREL G., 2006), des activités de loisirs et de développement personnel, des activités de formation (reprise de cours, etc.), des activités familiales. Cette figure du « jeune retraité actif » pourrait bien caractériser les modes de vie pour tous demain. Vers de nouveaux collectifs de travail Qu’elles soient fortement impactées par les TIC ou pas, qu’elles soient économiquement productives ou pas, de nouvelles organisations de travail émergent, durables ou éphémères à travers : >>    les SCOP (sociétés coopératives participatives), ou les sociétés de portage salarial dessinent de nouvelles organisations collectives de travailleurs, mutualisant des ressources, des réseaux, recréant des liens et de l’engagement solidaire ; >>    les coworking-space se présentent comme des lieux et des processus d’animations favorisant le foisonnement et l’élaboration de projets collectifs, réunissant des entreprises, des indépendants, des chercheurs, des étudiants, des personnes en recherche d’emploi ; >>    les barcamps ou les hackatons sont des événements éphémères réunissant des professionnels de tout bord, autour d’une thématique commune, et ayant pour objectif de concevoir des projets et de les prototyper ; >>    Les Fablabs/Biolab sont des lieux de fabrication numérique ouverts et partagés qui regroupent un ensemble de machines à commande numérique, permettant à chacun, sans connaissance technique préalable, de produire des objets, même de haute technologie ; >>    Les initiatives de production collaborative de type « wikispeed » : monter des équipes « instantanées » pour une production collaborative répondant à des critères spécifiques (produire moins cher, plus durable, en open source…). Page 17 S’ils peuvent apparaître encore confidentiels, ces dispositifs dessinent en tout cas des tendances de nouvelles organisations du travail collaboratif, adaptées aux changements continus d’un côté, et aux velléités d’autonomie et de liberté de l’autre. Ils jouent alors un rôle de conditions d’émergence et répartiteur de projets, au sein d’écosystème large de collaborateurs associés ou en réseaux, mais non salariés. C’était, dès 1995, la transformation que BRIDGES W., 1995, voyait advenir pour les entreprises de demain : le passage d’une structure constituée d’emplois à un « champ » de travail à accomplir. Ce passage d’une logique d’emploi à une logique de services renforcée par la mobilité du travail, affirme la figure de travailleurs polyactifs, conduisant plusieurs carrières (CONSEIL DE L’EUROPE 1995). En tout cas, l’extension et la diversification des formes d’interaction et de collaboration constituent ainsi l’un des plus puissants facteurs de changement du travail et des organisations. 3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières
  • 12. Page 18 4.1 - Les tensions fondatrices Dans les trois domaines étudiés (la production de valeur, l’entreprise et les nouveaux collectifs, le rapport de l’individu au travail), de fortes tensions sont à l’œuvre, et autour desquelles de nouveaux équilibres se cherchent. 4 - Enjeux et risques identifiés, évolutions et rapports de force A - Autour de la valeur : nouvelles productions – nouvelles redistributions nels (brevets, marques, propriété intellectuelle), d’autres actifs immatériels prennent une valeur essentielle : les contributions des internautes, traces d’usages et intelligence collective. Cet actif constitue une externalité positive, que les principaux géants du net cherchent et réussissent à capter (Google, Amazon, Facebook, Flickr, twitter, etc.). C’est la valeur produite par la démocratisation des usages numériques qui est captée, et en cela questionne la privatisation des données personnelles, ou le caractère de bien commun des données personnelles massifiées. Economie du format propriétaire vs économie alternative open source – do it your self Emploi vs Travail D’un côté le nombre d’emplois diminue et ne couvre plus les besoins d’une population active croissante. L’employabilité des individus s’est substituée à la sécurisation des parcours, mais sans effet équivalent, et créant de la précarité. De l’autre, des formes d’activité ou de travail non-productif n’ont pas de valorisation, pas de mesure ou d’indicateurs, alors même qu’elles alimentent une économie de la contribution, voire de la captation (valeur captée par des entreprises qui en tirent des bénéfices directs). Sur l’internet deux formats de développement des entreprises s’affrontent : un format propriétaire (qui prend particulièrement la forme de plateformes de services propriétaires appuyant son développement sur des API), et un format ouvert et communautaire « Open source », ou basé sur des pratiques du « do it your self ». Cela questionne les frontières de la privatisation et du bien commun, ainsi que du partage de la valeur. C - Pour l’individu au Equipement personnel vs système d’information, Ordre vs Désordre Individualisme vs Réseaux En même temps que le numérique a sous-tendu la rationalisation des process en entreprises, la généralisation des systèmes d’information, des règles de sécurité, le numérique a aussi grandement amélioré la performance de l’équipement personnel et diminué son coût d’accès : celui-ci pénètre dans les entreprises et concurrence les outils internes, permet d’échapper au contrôle ou aux règles de sécurité contraignantes des SI. Les pratiques de BYOD se généralisent. Les besoins en « clouds » vont s’intensifier : cloud personnel, cloud professionnel de différentes natures vont se superposer. Mobilité vs Bureau Autonomie vs Subordination, Liberté d’organisation vc Contrôle, traçabilité Entreprises vs Réseaux coopération, Vertical Horizontal Le modèle de développement de l’internet prône, valorise et outille l’autonomie des individus au travail, la libre entreprise, l’initiative et l’innovation individuelles, l’équipement personnel. Mais le numérique permet aussi l’inverse : la mesure constante de l’activité (tableaux de bord, indicateurs), la traçabilité et le contrôle accrus, renforçant les fonctionnements hiérarchiques verticaux, la subordination, par ailleurs inhérente au Les relations de travail portées par les individus se développent aussi bien dans le cadre de l’entreprise qu’à ses frontières : les réseaux de coopération dessinent une « entreprise étendue ». C’est l’ère des écosystèmes, remettant en question les autorités traditionnelles, au profit de « l’influence », le management au profit des échanges entre pairs, l’autoorganisation et les méthodes agiles. L’augmentation de la productivité est allée de pair avec une intensification des cadences, une montée de la pression et du stress d’un côté, et une baisse de la durée du travail de l’autre, synonyme de temps libre et de développement personnel. Les temps de pause, les loisirs deviennent essentiels et conditionnent le bien-être et les capacités d’endurance du travailleur sous pression. Certaines entreprises ont ainsi étendu le travail productif à l’ensemble des temps sociaux, en proposant des structures de loisirs, détente, en leur sein. individus à l’entreprise et A côté des actifs matériels (bâtiments, machines) ou immatériels tradition- contrat de travail. La tension est vive, et crée de l’incompréhension mutuelle entre les individus et les organisations. de travail B - Dans le rapport des vs 4 - Enjeux et risques identifiés, évolutions et rapports de force La mobilité des outils rend le travail intellectuel ubiquitaire. Le SI « cloud » de l’entreprise ainsi que le réseau de collaborateurs deviennent le véritable « espace » de travail des individus, leur point de rattachement. Mais si le travail en mobilité ou à distance s’est répandu, entrainant un brouillage des frontières, les trajets domicile-travail n’ont – encore - pas disparu, et deviennent des espaces propices au pratique de « débordement ». Le coût des énergies de transport pourrait cependant accélérer un processus de relocalisation du travail, et d’une nouvelle géographie de l’activité économique. Intensification vs Temps libre Production de valeur Captation de la valeur Page 19 aux nouveaux collectifs de vs travail L’exigence d’autonomie va de pair avec une forme d’individualisme : dans l’entreprise, les objectifs sont individualisés, sur le marché de l’emploi, l’individu est seul face à ses réseaux, qui représentent aussi son potentiel d’employabilité. La figure de « l’individualisme en réseau », du « nomade collaboratif » s’impose avec d’un côté ses risques potentiels de précarisation, d’isolement, d’affaiblissement des droits, et de l’autre la redéfinition de nouvelles forces sociales aux géométries encore inconnues. Les nouvelles modalités de « lien professionnel » sont à observer. Compétences individuelles vs apprentissages collectifs sur le long terme Les compétences individuelles deviennent des éléments clés du recrutement. Elles sont considérées comme les points saillants de l’identité des personnes, des mots clés permettant d’être référencé ou de se différencier sur les portails de l’emploi. Or les compétences se développent aussi au cours d’apprentissage collectif sur le long terme. Le potentiel des individus est transformé par le collectif, et rien ne rend compte ni des évolutions personnelles, ni des « compétences collectives ». Le numérique exacerbe l’individualité. Continuité vs Discontinuité des parcours L’exigence économique de flexibilité produit des parcours professionnels de plus en plus discontinus, qui, au-delà de la précarité, engendrent des problèmes identitaires chez les individus. L’internet est à la fois le lieu de la traçabilité du parcours favorisant sa mise en visibilité et donc son unification (e-porfolio) mais favorisant aussi le non-oubli des accidents de parcours ; le lieu possible de l’anonymat (blog et pseudo, activités de hackers, etc.) ; enfin aussi, un lieu possible de formation à distance.
  • 13. Page 20 4 - Enjeux et risques identifiés, évolutions et rapports de force Vie personnelle professionnelle vs vie Si la portabilité des outils et applications numériques tend à brouiller les frontières entre vie privée et vie professionnelle, elle participe aussi à unifier l’identité des individus, non pas dans le sens d’une cohérence globale, mais au contraire dans le sens du maintien et de la co-existence d’une pluralité d’activités et d’identités. 4.2 - Les grands enjeux Enjeux économiques : >>    mieux comprendre les évolutions du travail pour « mieux travailler » et produire de la valeur ; >>    développer la croissance ou changer les indicateurs du PIB par de nouvelles capacités de mesure, rendues possible par le numérique ; Enjeux d’innovation et de croissance économique pour les entreprises : >>    Trouver les bons collaborateurs, savoir les faire travailler ensemble ; >>    Réussir à adapter les fonctionnements et les collectifs à l’innovation permanente ; Enjeux sociaux : >>    Redistribuer les plus-values, procurer des revenus à toute la population ; >>    Permettre à chacun de continuer à se former, à changer et trouver de perspectives de travail ; Enjeux de bien-être pour la population active : >>    être serein et performant au travail ; >>    trouver le ou les voies du développement personnel ; Enjeux politiques >>    Renouveler les formes du dialogue social, de manière à ce qu’il traduise les réels rapports de force ; Page 21
  • 14. Page 22 1) Nouvelle géographie des entreprises 5 - Points de bifurcation possibles ou points de rupture potentielle La portabilité des équipements, l’informatique dans les nuages, la dimension immatérielle croissante du travail et la hausse du coût de l’énergie continuent à faire littéralement éclater l’unité de temps et de lieux du travail. De nouvelles organisations se mettent en place autour d’une multitude d’espaces de co-working situés dans les bassins de vie, les centres villes, et très équipés en outils de télé-conférence, en salles de réunion. Les grands centres d’affaires disparaissent, le marché immobilier des particuliers se transforme car le travail à domicile devient pratique courante. L’accès au système d’informations et au réseau social de l’entreprise (écosystème étendu) constitue les nouveaux points d’attache au collectif de travail, les nouveaux « privilèges ». L’activité économique se décentralise. La pluriactivité se développe. 2) « Tous entrepreneurs ! » La pression au travail dans les entreprises, et la précarité des emplois sont telles, que la majorité des travailleurs fait délibérément le choix du statut d’indépendant. Le CDI devient tellement illusoire et peu épanouissant, qu’il vaut mieux multiplier les temps partiels, et la multi-activité, voire les petits boulots pour augmenter ses revenus et étaler les risques. La pluriactivité se développe rapidement dans toutes les catégories sociales, depuis les «travailleurs pauvres» contraints de cumuler plusieurs jobs, jusqu’aux cadres qui développent en auto-entrepreneurs des activités complémentaires. De leur côté, les entreprises se réorganisent autour de noyaux restreints de salariés stables, aux côtés desquels une multitude de collaborateurs viennent prendre place pour des missions spécifiques. Chaque individu devient responsable de développer et de valoriser ses compétences et son «employabilité». Si cette tendance convient bien aux «travailleurs du savoir», son extension aux travailleurs plus âgés et moins quali- fiés pose en revanche des problèmes majeurs. Il faut inventer un nouveau filet de sécurité. 3) Entreprise étendue Plusieurs fonctions de l’entreprise sont externalisées auprès des consommateurs : les internautes participent activement à la création de produits, à la communication sur des marques, à la vente des produits d’une entreprise par marketing viral. De nouveaux modes de rétribution et de rémunération apparaissent. 4) L’open data des Page 23 des salaires, retour d’un management autoritaire, tyrannie de l’urgence et de l’adaptation, focalisation sur le court terme), les entreprises font face à de nouvelles crises : internes. Les salariés n’ont plus confiance dans les entreprises. Des pratiques de sabotage, de fuite d’informations stratégiques deviennent courantes. Les individus échangent sur les réseaux, des colères grondent de manière éparse et spontanée, et échappent complètement aux forces syndicales. Par l’intermédiaire des réseaux sociaux et un effet de contagion, les révoltes deviennent révolutions, et plusieurs directions d’entreprises sont renversées en même temps. Les salariés veulent autodéterminer et autoorganiser leur travail pour que celui-ci ait du sens. Les organisations se démocratisent et se moralisent (RSE). entreprises La coexistence au travail de l’équipement personnel et des systèmes d’information professionnels font peser d’énormes risques de sécurité aux entreprises. Les informations stratégiques sont captées au travers d’échanges de convivialité sur les réseaux. Les réseaux sociaux professionnels (de type linkedin, viadeo) deviennent officieusement des organismes d’intelligence économique, tant l’analyse des cartographies des réseaux sociaux en disent long sur les projets en cours, les interactions. Le coeur stratégique des entreprises est aussi mis en danger par des détournements d’informations, pratiqués par les salariés militant revendiquant une réciprocité de la transparence : si les données des administrations doivent être ouvertes, si les données des usagers sont sans cesse captées, alors les entreprises ne peuvent plus être opaques. Elles doivent assumer et mener leur propre dynamique « open data ». 6) Nouvelle maladie professionnelle : le « burn out » L’identité numérique, rendue publique sur les réseaux, prime de plus en plus sur l’identité réelle des personnes. La réflexivité sur soi est constante : rien des faits, des écrits n’est oublié, les réseaux relationnels professionnels s’accumulent au fil des années, sans que la page des expériences passées puissent être tournées. Les CV / eportfolio sont nourris par les réseaux eux-mêmes : l’individu, son évolution de carrière, son identité numérique dépendent de plus en plus des autres. Cette perte de contrôle de l’image publique conduit de plus en plus à des burn out identitaires. Les individus ne se retrouvent plus ou ne s’assument plus eux-mêmes. 7) Les big data : point fort 5) La place Tahrir dans du revenu universel les entreprises d’existence Suite à la crise économique 2008-2012, qui a été l’occasion de nouvelles pressions sur le travail (dégraissage, blocage La réutilisation des données personnelles, symbolisée par les « Big Data », fait l’objet de luttes sociales et politiques importantes. Les entreprises 5 - Points de bifurcation possibles ou points de rupture potentielle pratiquant l’analyse et la réutilisation des données personnelles sont petit à petit contraintes à payer des droits de réutilisation aux usagers (façon CNIL / SACEM). Un revenu universel d’existence se met en place petit à petit, autour de cette rétribution par le secteur privé, et d’une allocation versée par les Etats. Les pratiques de travail se transforment. 8) Le travailleur nomade et sa musette d’outils numériques Comme les ouvriers qualifiés d’avant la révolution industrielle, les individus rejoignent les organisations munis de leur propre « musette » numérique : des équipements, des environnements de travail, des réseaux professionnels actifs, mais aussi des expériences, des acquis professionnels, des méthodes. Grâce à une professionnalisation des outils grand public, les individus au travail capitalisent sur leurs expériences, se forgent des savoir-faire.
  • 15. Page 24 Bibliographie > COCHARD CORNILLEAU 2010 http://ses.ens-lyon.fr/l-ajustementde-l-emploi-dans-la-crise-132103. kjsp?RH=33, Articles – Rapports > BASSANINI A., MANFREDI T., 2012 Capital’s Grabbing Hand? A cross country – cross industry analysis of the decline of the labour share, OCDE > BESSEYRE DES HORTS C.-H., ISAAC H., 2006, « L’impact des TIC mobiles sur les activités des professionnels en entreprise », Revue française de gestion, n°168-169 > BRIAN A., 2011, « The Second Economy » http://www.mckinseyquarterly.com/ The_second_economy_2853 > BRIDGES W., 1995, « La conquête du travail », Ed. Village mondial, cité par D. Méda 1995, revue Esprit. > CHESBROUGH H., 2005, « Open Innovation: A New Paradigm for Understanding Industrial Innovation », in Open Innovation: Researching a New Paradigm, Oxford University Press > CORSANI A., 2003, “Savoir et travail dans le capitalisme cognitif : les impasses de l’économie politique”, publié in Sommes-nous sortis du capitalisme industriel ?, Ed. La Dispute http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/ revue/17-113.pdf > COUTROT T., 2004, « Le télé-travail en France : 2% des salariés le pratiquent à domicile, 5% de façon nomade », premières synthèses, DARES, n°51.3 > DATCHARY C., 2004, « Prendre au sérieux la question de la dispersion au travail : le cas d’une agence de création d’événements », Réseaux n°134 > EUROPEAN EXPERT NETWORK ON ECONOMICS OD EDUCATION EENEE, 2007, L’effet de l’éducation sur l’emploi, les salaires et la productivité : une perspective européenne, http:// ec.europa.eu/social/main. jsp?catId=1047 > FUMAGALLI A. MORINI C., 2008, “Segmentation du travail cognitif et individualisation du salaire”, Revue Multitudes N°32, 2008. > JULLIEN N., 2010, « Free/libre/open source software (FLOSS) : lessons for intellectual property rights management in a knowledge-based economy », http://halshs.archives-ouvertes.fr/ halshs-00410781/fr/ > LE DOUARIN L., 2007, « C’est personnel ! L’usage des TIC par les cadres dans l’articulation des temps sociaux : vers une évolution de la rationalisation au travail », in L’Homme et la Société, Ed. L’Harmattan, p.75 à 94 > LE BOSSÉ Y., LAVALLÉE M., 1993, Page 25 Pouvoirs, valeurs temps, Economica, Paris, pp. 71-95, 2008 « Empowerment et psychologie communautaire. Aperçu historique et perspectives d’avenir ». Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale. no 18. p 7-20. > MEDA D., 1995, “La fin de valeur travail”, in Revue Esprit L’avenir du travail, n°8-9, août-septembre, Ed. Seuil > METZGER J.-L., 2005, « Entre individualisation des relations de travail et gestionarisation des espaces publics : la recherche sociologique en quête de problématique », Réseaux 4/2005 (no 132), p. 219230. 
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  • 17. Page 28 Repenser la place des individus au travail dans une société numérique ” ” Partenaires de l’expédition Avec le soutien des grands partenaires de la Fing