Dans le Journal du Dimanche, une trentaine de députés de la majorité demandent la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle.

Dans le Journal du Dimanche, une trentaine de députés de la majorité demandent la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle.

L'Express

Le "burn-out" sera-t-il bientôt reconnu comme maladie professionnelle? De plus en plus de voix le réclament. Un appel lancé en janvier - signé par plus de 7300 personnes - avait lancé le mouvement . Aux manettes, le cabinet spécialiste des risques psycho-sociaux Technologia et son médiatique directeur, Jean-Claude Delgènes. Ce dimanche 7 décembre, une trentaine de députés de la majorité les ont imités en publiant une tribune en ce sens dans le Journal du Dimanche. Des médecins du travail les avaient précédés le 1 décembre dans l'hebdomadaire Marianne.

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En juillet, le Sénat avait adopté une proposition de résolution sur le sujet. Son objet? Réfléchir aux moyens d'inscrire les conséquences d'une exposition à des risques psychosociaux, - "état de stress post-traumatique, d'épuisement manifeste, dépression ou complications somatiques spécifiques" - au tableau des maladies professionnelles, pour que leur lien avec le travail soit reconnu. Le texte ne débouchera finalement sur aucune proposition de loi, la sénatrice qui le portait ayant perdu son siège en septembre. Mais les députés pourraient prendre la relève.

Aujourd'hui, le pot de fer contre le pot de terre

Car obtenir la reconnaissance du burn-out est aujourd'hui un parcours long et complexe pour les victimes. "Une fois un certificat médical établi par le médecin, le salarié doit saisir les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), détaille l'avocat spécialisé Michel Ledoux. Mais ils n'instruiront son dossier que s'il lui a été reconnu une incapacité permanente partielle (IPP) d'au moins 25%." Une condition quasi impossible à remplir. "Une main coupée, c'est 20%. Imaginez la difficulté à évaluer l'ampleur d'une incapacité sur le psychisme...", déplorait Jean-Claude Delgènes lors d'un débat organisé par le site Miroir social mi-septembre.

D'après lui, "seules quelques dizaines de cas de pathologies psychiques sont reconnues chaque année". Quant aux recours judiciaires - aux prud'hommes, ou au tribunal administratif pour les fonctionnaires - ils engagent le salarié dans de coûteuses années de procédures, sans garantie de succès. "C'est le pot de fer contre le pot de terre, estime le psychiatre Michel Debout, spécialiste du suicide et signataire de l'appel de Technologia. Le premier, l'employeur, a le temps et les moyens. Le salarié n'a ni l'un ni l'autre."

"Objectiver" l'épuisement, le stress ou la dépression

Une partie de la solution tiendrait donc dans la création d'un ou plusieurs "tableaux" dédiés. Concrètement, un document qui répertorie les troubles et les associe à une liste d'activités susceptibles de les provoquer, ainsi qu'à un "délai de prise en charge", le délai maximal pendant lequel le lien de causalité peut être reconnu. "Si l'on a la 'bonne' maladie, dans la 'bonne' activité pendant la période prévue par le tableau, il y a une présomption d'imputabilité", explique Michel Ledoux. La charge de la preuve ne pèserait plus sur le salarié.

Le défi consisterait à faire rentrer dans ces cases rigides les symptômes parfois fluctuants du stress ou de la dépression. "Il n'existe pas de scanner pour diagnostiquer une fêlure psychologique, résume l'avocat. La grande difficulté, c'est d'objectiver sur le terrain scientifique ce qui relève du travail, de la fragilité personnelle voire de l'instrumentalisation par le salarié." Mais le médecin Michel Debout assure que "l'on dispose maintenant d'une connaissance assez précise des symptômes, qui permet de reconnaître les véritables situations d'épuisement professionnel."

Reste à faire avaler la pilule aux entreprises, qui seraient mises à contribution. C'est même tout l'objet de la future proposition de loi. Les salariés victimes de ces pathologies liées au travail sont aujourd'hui indemnisés par le régime général de la Sécurité sociale. Or "il apparaît inique que la branche maladie prenne en charge des affections qui découlent de la réalisation de risques psychosociaux d'origine professionnelle, alors que la branche AT-MP [accident du travail et maladie professionnelle, NDLR], financée à 97 % par les cotisations patronales, semble plus légitime", pointait la sénatrice Patricia Bordas dans son texte.

Un financement par les coupables

Les entreprises de plus de 150 salariés sont soumises à des cotisations au tarif "individuel", c'est-à-dire qu'il varie en fonction de leurs résultats en matière de santé au travail. Celles dont les salariés souffrent le plus de dépressions ou de burn-out liés à leur métier payeraient donc directement les frais de leur mauvais management.

De quoi handicaper une future proposition de loi? "Dans le contexte économique actuel, l'idée de faire payer les entreprises n'est pas facile à faire passer, juge Michel Ledoux. A terme, on ira vers la reconnaissance, mais ce n'est pas demain la veille." Peut-être faudra-t-il d'abord convaincre les employeurs que la reconnaissance des risques psycho-sociaux n'entraînera pas une multiplication des cas. "Les entreprises ont longtemps résisté à la reconnaissance de la lombalgie, et pourtant, elle n'a pas fait exploser le nombre des maux de dos pris en charge", conclut l'avocat.

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