Scènes de chaos, dans la nuit de vendredi à samedi 1er avril à Asunción, la capitale du Paraguay, ce petit Etat d’Amérique du Sud, sans accès à la mer, coincé entre la Bolivie et les géants argentin et brésilien.

Des manifestants ont violemment occupé l’organe législatif du pays, le Congrès, cassant des portes, des palissades et des baies vitrées avant de mettre le feu à une partie du bâtiment. Les raisons de cette colère subite tiennent à un projet controversé d’amendement constitutionnel, qui permettrait la réélection du président sortant, le conservateur Horacio Cartes, au pouvoir depuis 2013. Les députés ont voté cet amendement en douce, provoquant l’ire de l’opposition. “Un coup d’Etat est en cours. Nous allons résister et nous invitons la population à résister aussi”, a déclaré Desirée Masi, du Parti démocrate progressiste, citée par le site du Guardian.

Le spectre de Stroessner

Le quotidien argentin La Nación explique que cette bronca est également dirigée contre l’ex-président Fernando Lugo (2008-2012), un ancien évêque, à qui cet amendement permettrait également de se représenter. “Cartes, bandido, Lugo está contigo” (Cartes, bandit, Lugo est avec toi), scandait notamment la foule, qui voit dans ces manœuvres politiciennes un “retour de la dictature”. Comme beaucoup d’autres Etats latino-américains, le Paraguay a vécu sous la férule d’un militaire, le général Alfredo Stroessner, de 1954 à 1989, réélu sept fois à la faveur de l’état d’urgence qu’il avait instauré. La nouvelle Constitution du pays, adoptée quelques années après sa chute, interdit justement à un homme politique d’enchaîner les mandats présidentiels.

Ces affrontements entre police et manifestants ont fait plusieurs blessés, certains gravement – ainsi le député d’opposition Edgar Acosta, qui a dû être hospitalisé d’urgence. Selon La Nación, un “jeune militant” aurait aussi trouvé la mort cette nuit-là.

Les forces de l’ordre pointées du doigt

Le journal en ligne ABC Digital d’Asunción, qui se targue d’être le plus lu sur la Toile du pays, accuse, dans son éditorial du 1er avril, “Cartes, Lugo et leurs laquais” de ce déchaînement de violence. “Même Stroessner n’aurait pas fait ça”, peut-on y lire. Par ailleurs, ABC Digital identifie la victime de la nuit : il s’agirait de Rodrigo Quintana, militant du Partido Liberal Radical Auténtico (PLRA), qui aurait été tué lors d’un raid de la police spéciale contre le siège du parti. Le site rapporte de nombreux détails qui accablent les forces de l’ordre, à ce jour impossibles à recouper.