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Les néoréacs ont-ils gagné la bataille des idées ?

Le succès d’audience politique et l’hégémonie médiatique des néoconservateurs est-il le signe d’une dérive droitière de la France ou provient-il de leur capacité à nommer le mal qui ronge nos sociétés ? Les réponses d’Alain Finkielkraut, Daniel Lindenberg et Gisèle Sapiro

Publié le 16 janvier 2016 à 00h47, modifié le 19 janvier 2016 à 09h58 Temps de Lecture 2 min.

Ils sont partout. Chez FOG et chez Ruquier. Dans les cénacles élitaires comme au cœur des universités populaires, sur toutes les listes de best-sellers et en vitrine des librairies. Ils font le buzz des émissions de débat cathodique, les « unes » de nombreux hebdomadaires : à juste titre ou non, on les appelle les « néoréactionnaires ». Mais quelle est leur généalogie ? Comment ont-ils acquis une telle popularité ? Comment parviennent-ils à façonner le débat public depuis tant d’années ? Deux ouvrages critiques se proposent d’éclairer les ressorts de cette mouvance qui est loin d’être une nouveauté en France.

Le Discours « néoréactionnaire », issu d’un colloque dirigé par Pascal Durand et Sarah Sindaco (CNRS éditions, 2015), marque la première tentative de cartographier la constellation des « néoréacs » au sein de l’université. L’occasion pour la sociologue Gisèle Sapiro d’établir une savante typologie de la galaxie. Selon elle, les « notables » (soucieux de la respectabilité mondaine, tels Michel Déon ou Alain Finkielkraut), les « esthètes » (qui s’affranchissent de la bienséance bourgeoise, comme Renaud Camus ou Richard Millet) et les « polémistes » (groupe de pamphlétaires numériquement le plus important, notamment incarné par Eric Zemmour) forment le triptyque dominant.

Mais la charge la plus virulente provient de la réédition de l’ouvrage prophétique ou polémique, révélateur ou réducteur, prémonitoire ou diffamatoire – c’est selon – de Daniel Lindenberg, Le Rappel à l’ordre. Enquête sur les nouveaux réactionnaires (Seuil, 112 pages, 11,80 euros), paru pour la première fois en 2002 et qui ressort le 21 janvier avec une postface inédite de l’auteur. L’historien des idées l’assure : la dynamique décrite il y a quatorze ans s’est « considérablement renforcée ». La France – comme le reste du monde – serait aujourd’hui touchée par une véritable « révolution conservatrice » qui dépasse et déplace les clivages politiques. Une extrême droitisation du débat public, notamment marquée par le « tournant identitaire » d’une partie de l’intelligentsia, a contribué à la « libération de la parole réactionnaire », s’alarme-t-il. Procès de Mai 68, haine de la démocratie et islamophobie triompheraient dans « une certaine France qui n’a toujours pas digéré la décolonisation ». Oui, reconnaît-il, les néoréactionnaires ont gagné la bataille des idées.

« Déni de réalité »

Au moment où les juifs hésitent à porter la kippa afin d’éviter de se faire agresser, à l’heure où l’on apprend que des femmes ont été harcelées et parfois même violées par des migrants et des immigrés lors du réveillon du 31 décembre, la dénomination risque d’être contestée, et la menace relativisée. Après les tueries du 13 novembre à Paris et les agressions de Cologne, les questions, pour de nombreux citoyens, se sont sensiblement transformées : et si ces néoconservateurs avaient raison ? S’ils nous avaient dessillés les yeux sur le choc des civilisations, le déni des cultures et l’islamisation ? Pour l’écrivain Alain Finkielkraut, qui refuse d’être catalogué comme réactionnaire parce que, dit-il, la démocratie « [lui] va très bien », les défenseurs de l’antifascisme pratiqueraient, sur ces sujets, un « déni de réalité ».

Il serait trop commode de renvoyer ces deux approches dos à dos. Pointons toutefois qu’il est possible de refuser l’idéologie culturaliste (les musulmans seraient, par essence, hostiles à la République) tout comme l’irénisme multiculturaliste (il faudrait accepter toutes les pratiques culturelles au nom de la culpabilité post-coloniale). Une chose est sûre : le seul « rappel à l’ordre » (libertaire ou autoritaire) ne suffira pas à nous aider à démêler ce qui arrive à nos sociétés.

Lire aussi, « L’inquiétante dérive des intellectuels médiatiques », par Gisèle Sapiro, sociologue et « Une véritable révolution conservatrice avance à visage découvert en France », par Daniel Lindenberg, historien des idées.

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