Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?
Commune de Le Bô,
Paysage du bocage
MYR MURATET POUR « LE MONDE »

Dans les campagnes, la disparition des haies s’accélère en dépit de leur intérêt écologique majeur : « Entre deux parcelles, j’ai dû faire de la place »

Par  (Le Bô (Calvados), envoyée spéciale)
Publié le 25 juin 2023 à 06h00, modifié le 26 juin 2023 à 09h55

Temps de Lecture 6 min.

« Face à vous, des haies que j’ai massacrées », lance Patrick Levrard. Prunelliers, aubépines ou noisetiers ont les flancs et la tête tailladés. Sous les coups de marteau de l’épareuse, une sorte de faucheuse passée à l’automne, les branches ont complètement éclaté. « Cela faisait des années que je n’avais pas entretenu cette haie, elle avait pris trop de volume, explique cet éleveur de la commune du Bô, dans le Calvados. Alors j’ai remis tout ça à hauteur. »

Patrick Levrard, agriculteur, et sa fille Marine, membre de l’Association française des arbres et haies champêtres, au Bô (Calvados), le 28 mai 2023.

A quelques mètres du pire, ce qui ressemble au meilleur : une « belle haie », haute et large de plusieurs mètres, composée de diverses essences et de différentes strates (herbacées, arbustives et arborées). « Il faut faire attention au vieillissement, remarque toutefois Marine Levrard, la fille de Patrick, qui est aussi la coordinatrice de l’Association française arbres champêtres (AFAC) de Normandie. S’il n’y a aucune gestion, elle risque de dépérir. » Aujourd’hui, cette haie ne dérange pas son père, locataire des terrains. A l’ombre, ses vaches s’y sentent bien. Mais les propriétaires des deux parcelles qu’elle sépare pourraient un jour lui demander de la couper, pour « faire propre ».

Le vieillissement et le mauvais entretien sont deux des facteurs qui peuvent conduire au déclin insidieux des haies. D’autres sont simplement rayées de la carte. Arrachées, en quelques jours. Selon les chiffres les plus récents, révélés par un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) publié en avril, 23 500 kilomètres de haies ont disparu chaque année entre 2017 et 2021. Entre 2006 et 2014, l’érosion moyenne n’était « que » de 10 400 kilomètres par an : le phénomène ne se tarit pas, il s’accélère. Au total, depuis 1950, ce sont 70 % des haies qui ont été effacées des bocages français.

Pourquoi un tel acharnement ? La principale explication tient à l’évolution du foncier agricole. La petite commune du Bô, où Patrick Levard a élevé 70 vaches laitières et allaitantes, n’a jamais connu de remembrement. « On se traîne de toutes petites parcelles que l’on ne peut plus exploiter avec le matériel d’aujourd’hui, constate-t-il. Alors soit on laisse en friche, soit on fait de la place. » Au fil de sa carrière, il a réussi à conserver l’essentiel de ses haies, parce qu’elles étaient situées en limite de propriété. « Celles qui étaient entre deux parcelles, il n’y a rien à faire, j’ai dû faire de la place. »

Intérêt écologique

Au-delà de ce village, une étude du CNRS et des universités de Caen et de Poitiers, publiée en mai, confirme le diagnostic : entre 2003 et 2016, sur les trois terrains étudiés dans les départements du Calvados, des Côtes-d’Armor et du Maine-et-Loire, dans les trois régions les plus bocagères de France, la majorité du linéaire de haies arrachées (44 %) se trouvait entre deux parcelles mitoyennes ayant été regroupées. Elles disparaissent pour faciliter le passage d’engins agricoles toujours plus imposants. « Lorsque l’exploitant d’à côté reprend la terre de celui qui part en retraite, les jours de la haie au milieu sont comptés », résume Jean-Claude Breteau, vice-président de la communauté de communes Cingal-Suisse normande chargé de la transition écologique.

Il vous reste 65.3% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.