Vote et éligibilité des femmes. C'était il y a 70 ans !

Par Nathalie André et Nathalie André

Le 29 avril 1945, les Françaises, avec leur toute nouvelle carte électorale en poche, se déplacent en masse dans les isoloirs. Dès cette première consultation, plusieurs femmes sont élues. Le droit de vote et le droit d'éligibilité : voilà ce qu'elles mettent en pratique. Près d'un siècle après l'instauration du suffrage universel pour les hommes... C'était il y a 70 ans ! Cet anniversaire est l'occasion de rendre hommage à deux Bretonnes remarquables. Joséphine Pencalet et Marie-Madeleine Dienesch : leurs noms ne vous disent peut-être rien, mais chacune, à des époques différentes, ont été des pionnières. Cette date-anniversaire nous offre également l'opportunité - et l'obligation - de nous interroger : en 2015, les femmes sont-elles bien représentées - en nombre et à des postes à responsabilité - dans les assemblées locales et nationales ? N'hésitez pas à réagir !

Le chemin a été long. Le combat des militant(e)s et de certains élus a été rude. Le 21 avril 1944, le général de Gaulle octroie le droit de vote et le droit d'éligibilité aux Françaises. "Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes". C'est ce que stipule l'article 17 de l'ordonnance qu'il ratifie (1). Institué en 1848, le "suffrage universel" le devient réellement. Il aura fallu attendre près d'un siècle...

"J'étais sacrément fière"

Le 29 avril 1945, les Françaises glissent donc leur premier bulletin de vote dans une urne à l'occasion du 1er tour des élections municipales. "Je me souviens d'être allée m'inscrire tout de suite sur la liste électorale. J'étais sacrément fière. Pour moi, c'était une véritable avancée et je comptais bien faire entendre ma voix", avait indiqué la Vannetaise Raymonde Allibert au "Télégramme", l'an passé, à l'occasion des 70 ans de l'obtention de l'égalité civique.

Dans les archives, on a aussi trouvé trace de cet enthousiasme. "Ce qui a caractérisé le scrutin, c'est l'empressement apporté par les femmes à prendre part au vote. (...) Les scrutateurs ont été unanimes à déclarer : "Les femmes votent en masse; on compte en moyenne trois à quatre femmes pour un homme"", peut-on lire dans la rubrique quimpéroise du "Télégramme". "Les femmes ont pris au sérieux le titre de citoyenne qui leur a été accordé par la IVe République", ajoute-t-on avec un brin de condescendance.

 

Une nouveauté, pas une surprise

Certaines électrices ont ressenti un frisson de fierté. Mais l'obtention du droit de vote n'est pas une surprise, c'est tout au plus une nouveauté. Car, "depuis le XIXe siècle, il existait un courant d'opinion favorable au vote des femmes", note Anne-Sarah Bouglé-Moalic dans "Les Cahiers du Cevipof". Celui-ci s'étend, atteignant le Parlement fin XIXe-début XXe siècle. A partir de ce moment-là, le suffrage féminin reviendra régulièrement à l'agenda parlementaire. Sans que cela n'aboutisse.

Et, alors que le suffrage des femmes est adopté dans de nombreux pays dans l'immédiat après-guerre - c'est, notamment, le cas en 1918 en Allemagne (voir la carte ci-dessous) -, le blocage perdure en France. En 1919, les députés votent - 344 voix contre 97 - en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, mais le Sénat fera barrage en novembre 1922.

Peur d'un vote sous influence cléricale ?

Mais, pourquoi de telles dissensions ? Selon Janine Mossuz-Lavau, les sénateurs considéraient que "la nature féminine était vouée à la sphère privée". "Les radicaux craignaient un vote féminin sous influence cléricale, qui aurait favorisé les forces conservatrices", ajoute-t-elle dans "Le vote des femmes en France (1945-1993)".

Trois femmes sous-secrétaires d'État

Pour certains, c'est une innovation; pour d'autres, un geste symbolique. En juin 1936, Léon Blum nomme trois femmes au gouvernement à des postes de sous-secrétaires d'État : Irène Joliot-Curie, Suzanne Lacore et Cécile Brunschvicg (cette dernière dirige l'Union française pour le suffrage des femmes) font partie de l'exécutif, mais sans avoir ni le droit de vote, ni le droit d'éligibilité. Paradoxe !

 


On l'a compris : le 29 avril 1945 est une date importante de l'Histoire des femmes en France. Mais que s'est-il passé ensuite ? Si pendant près de 25 ans, elles n'exerceront pas leur droit de manière semblable à celle des hommes (le taux d'abstention féminin étant, par exemple, bien plus élevé, comme l'atteste le graphique ci-dessous), leur vote ne se distingue plus aujourd'hui, ou presque, de celui des hommes : "Les taux d'abstention sont proches et l'équilibre droite-gauche est à peu près semblable", comme l'explique Anne Chemin, dans "Le Monde" du 29 avril 2005. Dans "Les femmes : des intentions de vote évolutives" (octobre 2011), Janine Mossuz-Lavau évoque aussi un "rapprochement des comportements politiques". De quoi dissiper les inquiétudes, les doutes de certains...



1. Deux ans et demi plus tard, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 inscrira ce fait dans les principes fondamentaux de la République : "La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme".

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