Tribune 

Etiquette environnementale : ne nous trompons pas de méthode

Collectif

Dans une tribune à « l’Obs », plusieurs associations appellent les pouvoirs publics à la vigilance pour que la future « note environnementale » qui figurera sur nos produits alimentaires ne devienne pas contre-productive.

Cet article est une tribune, rédigée par un auteur extérieur au journal et dont le point de vue n’engage pas la rédaction.

A l’automne 2023 devraient apparaître sur les emballages des produits alimentaires, dans les applications nutritionnelles et même sur les recettes de cuisine en ligne une « note environnementale », qui a fait l’objet jusqu’à présent d’expérimentations (Eco-score, Planet-score…). Celle-ci figurera à côté du Nutri-score, « note nutritionnelle ». L’affichage deviendra obligatoire en 2025. Mais comment évaluer ce fameux impact environnemental ? Plusieurs associations appellent, dans une tribune à « l’Obs », l’Ademe (Agence de la transition écologique) et les pouvoirs publics qui pilotent l’expérimentation à la vigilance.

La loi Climat et Résilience prévoit l’affichage d’un score permettant d’informer les consommateurs sur l’impact environnemental de tous les produits de consommation, notamment alimentaires. Nous, associations environnementales, de consommateurs et de bien-être animal, nous appelons de nos vœux cette information nécessaire pour accélérer la transition écologique de nos modes de production, mais nous nous inquiétons de la méthode choisie par le ministère de l’Environnement et l’Ademe pour le calcul de ce score appliqué aux produits alimentaires, méthode qui repose essentiellement sur la seule analyse du cycle de vie (ACV).

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Toutes les parties prenantes s’accordent pour constater que cette méthode n’est pas adaptée aux produits issus de cycles organiques. Comme l’indique l’Institut national de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (Inrae), l’agriculture, à l’inverse d’un procédé industriel, s’appuie intimement sur la complexité du vivant, à des échelles multiples, du gène à l’écosystème. Un affichage qui conduirait donc à se baser uniquement sur l’ACV, dont la méthodologie d’évaluation détermine les impacts associés à l’échelle d’un produit, ne permettrait pas d’appréhender l’échelle systémique du domaine du vivant. Utilisée seule, l’ACV tend ainsi à favoriser des systèmes de production intensifs au détriment des productions agroécologiques. Elle s’oppose alors à une vision agroécologique de la production française. La méthodologie et les pratiques actuelles d’ACV ne sont tout simplement pas suffisantes pour évaluer les systèmes agroécologiques tels que l’agriculture biologique.

Avec cette méthode de calcul qui favorise les produits qui ont un rendement maximum sur une surface minimale, la vache de réforme, potentiellement élevée 100 % en intérieur, obtiendra une meilleure note environnementale que celle issue de modèles plus extensifs, de montagne (Salers par exemple) ou biologique avec accès à l’extérieur. Pourtant, ces systèmes rendent des services cruciaux pour les écosystèmes : conservation des prairies, fertilisation naturelle, stockage du carbone dans le sol.

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Un rapport publié par l’Institut du Développement durable et des Relations internationales (IDDRI) fin octobre 2021 a également pointé les lacunes et les biais méthodologiques structurels de l’ACV appliquée aux produits agricoles et alimentaires. L’IDDRI rappelle ainsi que l’ACV est et restera par construction une méthode d’évaluation cantonnée à l’échelle produit et ne pourra jamais approcher les enjeux aux échelles systèmes dans le domaine du vivant. Or, c’est à ces échelles que se joue la durabilité des systèmes agricoles et alimentaires, et le vivant (agriculture et élevage) constitue en moyenne plus de 85 % des impacts des produits alimentaires, voire davantage quand les enjeux biodiversité sont correctement intégrés.

L’affichage environnemental doit donner des résultats clairs et sans équivoque et permettre de distinguer les produits dans une même famille de produits. On ne peut pas s’intéresser uniquement au climat et à la réduction des gaz à effet de serre, mais bien à l’ensemble des facteurs de l’écologie, et en premier lieu à la biodiversité, à la vie des sols – sans lesquels rien de vivant n’existe –, au cycle de l’eau, à la qualité de l’air, à la santé des animaux, etc. Tous les critères qui garantissent une santé globale des hommes et des écosystèmes dans leur ensemble. Ces valeurs de respect du vivant constituent un socle commun et la technique doit s’adapter à ces valeurs.

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Le Planet-score, issu du travail réalisé par un collectif large réunissant des scientifiques, des associations de consommateurs et des ONG de l’environnement et du bien-être animal, intègre toutes les demandes portées par les ONG et par les consommateurs depuis de nombreuses années (biodiversité, mode d’élevage…) et développées ci-dessus.

Nous demandons que les travaux en cours s’alignent sur ce haut niveau d’exigence sociétale que constitue le Planet-score. La science est aussi une construction sociale, il ne suffit pas qu’un outil soit « normé », en France ou à l’étranger, pour qu’il fasse consensus ni qu’il soit pertinent. La vision du monde qu’offre l’ACV, la lecture que cette technique donne du monde du vivant, n’est pas partagée par les ONG, parce qu’elle ne respecte pas la diversité dudit vivant.

Aussi nous demandons :

• la définition d’un cap clair de transition du système agricole et des régimes alimentaires qui tourne clairement le dos aux productions intensives, polluantes et destructrices, et oriente les consommateurs vers les modes de production respectueux du vivant ;

• un affichage qui puisse sans ambiguïté différencier les impacts environnementaux entre aliments d’une même famille, en fonction des systèmes de production (agriculture biologique, systèmes extensifs…) ;

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• un affichage précis et détaillé s’appuyant sur les indicateurs du Planet-score, indispensables pour observer de véritables modifications dans les actes d’achat, en particulier l’intensité d’usage des pesticides et l’affichage du mode d’élevage. Cet étiquetage a par ailleurs déjà été expérimenté par un grand nombre d’opérateurs économiques (GMS, fabricants…), qui ont commencé depuis plusieurs mois à témoigner de sa pertinence.

Les signataires :

Agir pour l’environnement

BeeFriendly

CIWF

Commerce équitable France

Déclic

France Nature Environnement

Générations futures

Greenpeace

Les Amis de la Terre

Noé

Pour un Réveil Ecologique

Réseau Action Climat

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