Redoutée par les autorités, l’arrivée en Corse de la bactérie tueuse Xylella fastidiosa a été confirmée par la préfecture mercredi 22 juillet. Un cas positif a été identifié en Corse-du-Sud « sur des plants de Polygale à feuille de myrte (Polygala myrtifolia) dans une zone commerciale de la commune de Propriano ».
C’est une nouvelle que craignait l’ensemble des producteurs aussi bien d’olives, que de clémentines ou de châtaignes, puisque cette bactérie, transportée par des insectes comme le cercope, peut se propager à l’essentiel des plantes présentes en Corse, à l’état sauvage comme cultivé. Et il n’existe aucun traitement pour soigner les plantes contaminées.
C’est la deuxième occurrence en France de la bactérie, après un cas détecté le 15 avril sur un plant de caféier à Rungis, le marché de gros au sud de Paris. Xylella fastidiosa ravage depuis 2013 les Pouilles, dans le sud de l’Italie, où un million d’arbres sont malades. Une très mauvaise nouvelle pour la Corse, qui se sentait menacée par sa proximité avec la péninsule italienne et le nombre d’importations de plantes en provenance de ce pays.
« Arrachage des plantes »
« Nous nous retrouvons confrontés à ce que nous craignions depuis le début, même si nous ne sommes pas dans la situation des Pouilles, et nous devons mener l’enquête le plus vite possible », a expliqué au Monde le préfet, Christophe Mirmand, qui a convoqué en urgence, jeudi 23 juillet, un conseil régional d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (Cropsav), pour faire le point sur la situation.
Sans attendre les résultats d’une enquête qui devrait donner ses premières réponses dans les prochaines vingt-quatre heures, M. Mirmand a demandé la mise en œuvre de « l’arrachage des plantes concernées, la désinsectisation de la zone et une enquête épidémiologique ».
La détection de ce végétal a été opérée dans le cadre du « renforcement des mesures mises en œuvre à l’initiative de l’Etat depuis 2014 afin de prévenir l’introduction de cet organisme nuisible », explique la préfecture de Corse. Dans un alignement de plantes d’ornement, les polygales à feuilles de myrte – qui n’ont rien à voir avec le myrte, très présent en Corse et qui sert entre autres à la production d’un alcool réputé –, un des arbustes a paru anormalement sec aux inspecteurs, le 20 juillet. Trois jours plus tard, le laboratoire de la santé des végétaux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), à Angers, a confirmé la présence de la bactérie.
Jusqu’alors, tous les prélèvements effectués et envoyés sur le continent s’étaient révélés négatifs. Selon la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (Fredon), quelques dizaines de mesures de destruction ont déjà été opérées sur le sol corse, concernant l’importation illégale de plantes en provenance de zones contaminées. Des mesures de refoulement ont aussi été prises.
Une autre souche ?
Avant d’avertir les autorités européennes et, de fait, les pays voisins, les services de l’Etat doivent tracer l’origine de ces plantes d’ornement. Il semblerait, selon les premiers éléments d’enquête et les déclarations du directeur du centre commercial, que ces polygales y étaient plantées depuis 2010. Cette date, ancienne, si elle est confirmée, ne serait pas une bonne nouvelle. En effet, soit la plante, très probablement importée, porte la bactérie depuis cette date et aurait pu, depuis, avec le concours d’insectes vecteurs, la transmettre à d’autres plantes. Mais, pour l’instant, les autorités manquent d’information sur la souche de la bactérie et son temps d’incubation dans la plante, et il est impossible de savoir si cette bactérie a pu être présente aussi longtemps dans ces plantes d’ornement. Soit la plante était saine, et cela signifierait qu’elle a été contaminée sur le sol corse. Un scénario qui serait pire encore.
Pour l’heure, la préfecture attend encore les résultats d’analyse de la bactérie. S’agit-il de la même souche que celle qui sévit dans les Pouilles ? Est-ce une autre souche, auquel cas, peut-elle se transmettre, comme dans le cas italien, à l’ensemble des plantes cibles (lauriers roses, agrumes, oliviers, maquis, myrte, chênes et châtaigniers, amandiers, etc.) ? S’agit-il d’un pan isolé ou faut-il en chercher d’autres contaminés ?
Les services de la Fredon, mobilisés depuis les mesures décidées par l’Europe et renforcées en Corse (surveillance accrue des bateaux en provenance d’Italie en particulier), doivent aussi contrôler l’éventuelle présence d’insectes vecteurs à proximité du lieu où se trouvait la rangée de plantes contaminées.
« S’il s’avère que nous sommes confrontés à un foyer d’infection et non à un cas unique isolé, nous préviendrons bien sûr les autorités européennes, explique Christophe Mirmand. Et nous appliquerons le plan de lutte, soit un arrachage des plantes cent mètres autour du lieu infecté, et nous mettrons en place une surveillance accrue dans un rayon de dix kilomètres autour. »
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