Au moins dix morts, des barricades et des gaz lacrymogènes, et pas moins de 230 000 soldats pour surveiller les bureaux de vote. Le scrutin pour élire une Assemblée constituante s’est tenu dans un climat de violence, avec une opposition descendue en masse dans la rue pour protester. Officiellement, 8 089 320 électeurs se sont déplacés pour voter, soit 41,53 % du corps électoral, d’après les chiffres du Conseil national électoral, rapporte Últimas Noticias

La participation était l’unique enjeu de ce scrutin, boycotté par l’opposition, qui dénonce un “coup d’État” du président Maduro pour s’arroger les pleins pouvoirs, au détriment de l’Assemblée nationale dominée par l’opposition, que la nouvelle Assemblée constituante va remplacer. Le 16 juillet, elle avait organisé une consultation officieuse contre le président Maduro, qui avait réuni plus de 7 millions d’électeurs.

Ce dimanche soir, ajoute Últimas Noticias, proche du pouvoir, des milliers de personnes se sont réunies dans la capitale pour fêter la “victoire de la paix” et le “succès” du vote de dimanche en faveur de l’Assemblée constituante. Plusieurs d’entre elles, citées par le journal, ont estimé que “le peuple a montré sa détermination et sa volonté de vivre dans une patrie indépendante, exempte de toute ingérence étrangère”. Le président Maduro s’est félicité du “fort taux de participation” à ce scrutin et a assuré que “le moment d’une nouvelle Histoire [était] arrivé”.

De nombreuses manifestations ont toutefois eu lieu, avec des dizaines de milliers de personnes descendues dans la rue pour protester contre la “fin de la République”. Les affrontements avec la police, balles en caoutchouc et gaz lacrymogènes contre jets de pierre et cocktails Molotov, ont fait au moins dix morts, note le journal péruvien El Comercio, qui titre en une : “Le Venezuela à feu et à sang”. Après quatre mois de manifestations, le bilan s’élève désormais à 120 personnes tuées, rappelle le quotidien de Lima.

Simulacre d’élections

“Sans les bulletins de vote, mais avec des balles”, résume la journaliste vénézuélienne Naky Soto Parra dans le titre d’opposition Tal Cual. Face à la mort de manifestants et aux centaines d’arrestations d’opposants, elle évoque un “massacre” et souligne que, d’après la coalition d’opposition MUD (Table d’unité démocratique), la participation n’est pas de 41,53 mais de 12 %.

Malgré l’atmosphère violente, la journaliste se félicite de ce taux relativement faible au regard des efforts du pouvoir pour pousser les gens à aller aux urnes. “Personne ne sait ce qui va se passer maintenant, et pourtant beaucoup de gens ne sont pas allés voter alors qu’ils étaient menacés”, assure-t-elle.

C’est un progrès immense, une démonstration de courage. Ils viennent d’achever la République dans une grande farce. Eux possèdent les armes, nous, nous avons la motivation. Et nous poursuivons le combat.”

“La réélection des bandits”, dénonce de son côté El Nacional, pour qui “le dictateur Maduro n’a rien trouvé de mieux à faire que de monter un simulacre d’élections pour non seulement se maintenir au pouvoir, mais aussi maintenir autour de lui sa clique en déroute”. Le journal de Caracas, profondément anti-Chávez, parle d’un “petit cercle civil et militaire, ressemblant à une équipe de croupiers de casino à Las Vegas”, dont les membres sont “incriminés dans de sombres affaires, des trahisons sans fin et sont protégés par le même pouvoir”. Et El Nacional de trancher : “Nous sommes face à l’une des plus grandes farces de l’histoire latino-américaine.”

Le quotidien colombien El Espectador note que des manifestations contre le vote de l’Assemblée constituante au Venezuela ont également eu lieu dans les pays voisins. À Bogotá, de nombreuses personnes “ont défilé devant la résidence de l’ambassadeur vénézuélien, Iván Rincón, à qui ils ont demandé de quitter son poste car il ‘ne représente pas les Vénézuéliens’”, explique le journal. D’autres manifestations ont été organisées au Honduras, au Pérou, à Porto Rico ou encore à Madrid.

El Espectador rappelle que “plusieurs pays latino-américains ont réitéré leurs appels à enrayer la répression violente au Venezuela” et que la plupart des pays du continent, mais aussi l’Union européenne, ont annoncé qu’ils ne reconnaîtraient pas les résultats de l’Assemblée constituante. Seul le président de la Bolivie, Evo Morales, “a critiqué la Colombie, le Mexique et le Panama qui ont annoncé ne pas reconnaître les résultats de l’Assemblée, et il les accuse d’être ‘soumis’ aux États-Unis”, précise le quotidien.