La justice turque entame le procès des universitaires, manifestation à Bruxelles

Un seul chef d’accusation, des dizaines d’audiences jusqu’en avril. A Bruxelles, on manifeste.

Christophe Lamfalussy
La justice turque entame le procès des universitaires, manifestation à Bruxelles
©Johanna De Tessières

Un seul chef d’accusation, des dizaines d’audiences jusqu’en avril. A Bruxelles, on manifeste.

Date et lieu du crime ? “Le 11 janvier 2016, propagande pour une organisation terroriste”, entame l’acte d’accusation dressé par le procureur en chef d’Istanbul. Derrière cette lourde accusation, se cache l’un des procès les plus emblématiques de l’ère Erdogan, allié aux nationalistes turcs du MHP.

Sept mois avant la tentative de coup d’État, il a trait à la signature par 1128 universitaires turcs d’une pétition appelant à renouer le dialogue avec les Kurdes, à un moment où la guérilla du PKK avait relancé l’option militaire contre l’armée turque, laquelle déployait ses blindés dans les villes à majorité kurde.

Les universitaires dénonçaient “l’acharnement” d’Ankara contre l’ensemble de la communauté kurde, le “massacre délibéré” dans les villes de l’est du pays et demandaient la levée du couvre-feu et le début de négociations.

La référence à une forme de violence d’État, qui mettait en sourdine celle de la branche armée du PKK, a fortement déplu aux autorités. L’acte d’accusation souligne que, dès l’été 2015, des Kurdes ont commencé à réclamer l’autogestion tandis que le PKK attaquait l’armée avec des lance-roquettes.

La justice ne fait pas référence au fait que le parti du président Erdogan avait subi une lourde défaite en juin 2015, alors que le HDP, prokurde et de gauche, dépassait la barre des 10 % qui lui permettait de rentrer au parlement et de bloquer la réforme constitutionnelle à laquelle Erdogan aspirait. Les deux coprésidents de cette formation seront arrêtés l’année suivante sous le prétexte identique de collusion avec le PKK.

Bien que le procureur n’incrimine qu’un seul fait, le déroulement du procès va se dérouler de manière individuelle, ce qui fait dire aux sympathisants des universitaires que tout est fait pour les décourager d’assister aux audiences. La première devrait avoir lieu ce mardi au palais de justice de Caglayan, en présence d’observateurs étrangers, dont la Consule générale de Belgique à Istanbul.

Des députés bruxellois manifestent

Les audiences vont se succéder jusqu’en avril 2018. Une septantaine en décembre sont programmées. Des centaines d’universitaires, venus d’établissements aussi réputés que l’université Galatasaray, partenaire du programme Erasmus, vont défiler. “Les autorités ont décidé de séparer ces audiences pour affaiblir le soutien”, estime André du Bus (CDH), qui participait lundi soir à une manifestation devant l’ambassade de Turquie à Bruxelles.

Une trentaine de personnes étaient rassemblées, dont les députés bruxellois Simone Susskind et Julien Uyttendaele (PS), Julie de Groote (CDH) et Paul Delva (CD&V). Une minute de silence doit également être observée ce mardi sur les campus de l’UCL. “Nous aurions souhaité que la Turquie avance plus vers la démocratie. Malheureusement, c’est le contraire qui se produit”, a dit la députée Susskind.

Ces “Universitaires pour la Paix” ne sont qu’une fraction de ceux qui sont poursuivis par les autorités turques. Car, après le coup d’État, d’autres ont été accusés d’être liés au mouvement de Fethullah Gülen. Près de 120 000 personnes, dont des professeurs, des juges, des journalistes et des militaires, ont été limogées dans la purge qui a suivi. “Environ 30 000 ont été réintégrées”, affirme un diplomate turc, après qu’une commission spéciale ait revu leur dossier, un par un. Mais l’état d’urgence se poursuit.

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