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Les management packages se mettent au vert

Longtemps basée sur des objectifs de TRI, Ebitda, chiffre d’affaires… la rémunération des managers sous LBO intègre désormais des critères ESG.

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Par Elise Brocard

Publié le 21 mars 2024 à 16:39Mis à jour le 21 mars 2024 à 16:44

Evolution. La pression croissante des LPs pour de l’investissement durable et la promesse d’une meilleure valorisation des actifs à la sortie sont autant d’éléments qui incitent aujourd’hui les fonds à améliorer la performance ESG des actifs en portefeuille. Or pour y parvenir, la meilleure solution est d’impliquer financièrement les dirigeants de ces entreprises. « Des managers qui peuvent potentiellement faire jusqu’à dix fois leur salaire grâce au management package vont forcément être poussés à atteindre les critères ESG », résume Matthieu Mora associé chez Transactions & Compagnie. A l’échelle mondiale, 37 % des sociétés de gestion interrogées par PwC dans le cadre de son étude « Global Private Equity Responsible Investment Survey 2023 » considèrent que leurs fonds intègrent des critères ESG dans la rémunération du management.

Des managers qui peuvent faire jusqu’à dix fois leur salaire grâce au management package vont forcément être poussés à atteindre les critères ESG.

Matthieu Mora

Avec l’entrée en vigueur du règlement SFDR, « on a vu apparaître l’intégration des critères ESG il y a un an et demi, voire deux ans mais avec parcimonie. C’est-à-dire surtout dans le cadre de fonds classés article 8 ou 9 du SFDR », observe l’associé. C’est par exemple la stratégie adoptée par Capza. « Nous avons commencé à intégrer des objectifs ESG dans les management packages de manière beaucoup plus structurée depuis 2022 et lancer notre Fonds Flex Equity Mid-Market qui a un objectif de décarbonation en ligne avec les Accords de Paris », témoigne Aurore Gauffre, directrice durabilité et impact chez Capza.

Un quart du ManPack concerné

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Aujourd’hui, c’est généralement un quart du ManPack qui dépend de l’atteinte de critères ESG. « Sur des deals de cap-dev ou de LBO, à partir de deux fois, voire deux fois et demie la mise, l’investisseur peut commencer à rétrocéder 15 % de la surperformance. Sur ce montant, 10 % seront acquis en cas de surperformance financière et 5 qui seront alloués en cas d’atteinte de critères ESG », constate quant à lui Matthieu Mora. « Nous observons que les critères ESG représentent en moyenne 10 % d’un management package dans nos deals PME et ETI. On est plutôt entre 25 et 50 % du management package pour les deals d’impact investing », atteste Simon Ruchaud, directeur marketing et ESG chez Siparex.

Pour certains, l’intéressement des managers en fonction de l’atteinte de KPIs extra-financiers peut d’ailleurs s’effectuer sur plusieurs tableaux. Capza a par exemple opté pour l’ajout d’une variable à la rémunération annuelle en plus des avantages liés aux management packages. « Cela permet de cumuler des objectifs ESG cohérents avec l’horizon de mise en œuvre, par exemple la réalisation d’un bilan carbone et d’un plan de décarbonation à échéance d’un an et la validation B Corp sur la période d’investissement », commente Aurore Gauffre.

Des critères pertinents…

Au contraire des KPIs financiers (c’est-à-dire des indicateurs clés de performance), facilement chiffrables et quantifiables, les critères extra-financiers restent quant à eux complexes à déterminer. « Pour s’assurer que les critères ESG soient les plus pertinents possibles, il faut qu’ils soient limités, précis et mesurables, mais aussi réalistes et en adéquation avec les objectifs ESG du fonds », prévient David Faravelon, avocat et senior manager au sein du cabinet De Gaulle Fleurance. Dans les faits, plusieurs pratiques s’affrontent. Certains préfèrent laisser une période de latence entre l’investissement et la définition des objectifs, soit parce que le fonds a besoin de se faire une idée de la société, soit parce qu’il a demandé à l’entreprise de proposer elle-même des KPIs.

Déterminer des critères les plus indiscutables possible pour éviter de potentiels conflits avec le management lors de l’exit.

Guillaume Rebaudet

Autre façon de faire chez Capza. « Nous définissons les critères en amont du closing afin que les managers les comprennent et qu’ils soient rassurés quant à leur faisabilité et notre capacité à les accompagner », observe Aurore Gauffre. Parmi ses outils d’évaluation privilégiés, les certifications d’organismes tiers comme le SBTI pour « Sciences-Based Target Initiative » dont l’ambition est d’aligner les entreprises avec les objectifs des Accords de Paris, qui consistent à limiter le réchauffement à +1,5 °C, ou bien le programme « Great Place to Work France » spécialisé dans la mesure de la qualité de vie au travail. C’est également le choix fait par Siparex lors de son investissement chez GPG Granit, spécialiste des pompes funèbres. La société de gestion a fléché 10 % des objectifs ESG du package à l’amélioration de la marque employeur via l’obtention de divers labels.

...et définis avant le closing

L’objectif, comme le relève Guillaume Rebaudet, associé de Siparex ETI, est alors de « déterminer des critères qui soient le plus indiscutables possible pour éviter de potentiels conflits avec le management lors de l’exit ». La société de gestion planche aussi sur d’autres pistes. « Afin de réaliser l’évaluation à la sortie, nous ferons appel à des tiers. L’enjeu pour le management, c’est alors de pouvoir apporter des preuves et que les résultats extra-financiers soient auditables », abonde-t-il.

Cette pratique, plutôt récente dans le monde de l’equity, est au contraire bien implantée dans l’univers de la « dette à impact ». C’est par exemple le cas chez Capza où « sur la grande majorité de nos investissements en dette, nous intégrons des objectifs ESG. Par exemple, dans le cadre de notre fonds MAIF Dette à Impact Environnemental,100 % des financements sont structurés avec des critères extra-financiers. L’atteinte ou non de ces KPIs permet de faire augmenter ou diminuer le coût de la dette jusqu’à 1 % », explique Aurore Gauffre. Même stratégie adoptée par des véhicules de Siparex ou Sienna IM. Un mécanisme d’autant plus efficace qu’il pèse directement sur la rentabilité de l’entreprise et, in fine, sur sa valorisation.

Que se passe-t-il de l’autre côté du miroir ? Certaines sociétés de gestion affirment imposer les mêmes exigences ESG à leurs collaborateurs. « Cela rend le discours crédible et légitime vis-à-vis des sociétés en portefeuille », nous confie-t-on.

Les outils de base

L’arrivée des critères ESG n’est pas le seul changement qu’ont connu
les management packages ces dernières années. Leur structuration juridique a aussi été chamboulée. En cause, trois arrêts du Conseil d’Etat de juillet 2021 ainsi qu’une décision rendue par la Cour de cassation le 28 septembre 2023. Lesquels ont conduit à stopper l’utilisation des bons de souscription d’actions. « Il y a aujourd’hui un retour aux trois outils de base qui ont des régimes juridiques encadrés et donc des conséquences fiscales maitrisées : les plans d’actions gratuites, les BSPCE et les stock-options » commente David Faravelon, senior manager au sein du cabinet d’avocats De Gaulle Fleurance. Mais la formule magique n’existe pas. Chacune de ses options comporte son lot d’inconvénients. Les BSPCE sont réservés par exemple aux sociétés créées depuis moins de quinze ans.
Le nombre maximum d’actions attribuées gratuitement reste, quant à lui, limité et ne peut dépasser 15 % du capital social. Enfin les stock-options supportent des régimes fiscal et social lourds. Conséquence : « Lorsque l’on sélectionne un de ces trois outils, il faut aussi identifier le cercle de managers auquel il va être attribué en fonction des spécificités de leurs fonctions et de leur niveau hiérarchique », étaie l’avocat.

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