Un budget européen décevant
Le projet de budget européen pour la période 2021-2027 présenté le 2 mai par la Commission européenne témoigne de l’état inquiétant de la construction européenne. Alors que la priorité devrait être d’accroître le budget pour faire face en commun aux enjeux de la période, qu’il s’agisse de mettre en œuvre des politiques propres à stabiliser durablement la zone euro, de faire face au dérèglement climatique en développant une politique énergétique commune ou de réorienter la politique agricole commune pour défendre la biodiversité, la Commission nous présente un budget qui plafonne à 1,11 % du produit intérieur brut (PIB) européen.
Cette proposition de budget reflète le consensus des Etats membres en matière de chacun pour soi
Les faux-semblants du budget
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Sur ces bases, ce projet de budget fait semblant d’agir dans de nouveaux domaines, faute de disposer des moyens d’y parvenir réellement : on crée une petite enveloppe militaire (ridicule en comparaison des budgets nationaux des différentes Etats membres), on instaure un petit fonds pour aider les pays à accueillir les réfugiés (tout en développant Frontex afin d’en limiter le nombre), on met en place un mécanisme de soutien à l’investissement destiné aux pays qui subiraient un choc macroéconomique (faute de disposer de stabilisateurs automatiques), on augmente à la marge les fonds dédiés au soutien à la recherche, etc.
L’enveloppe dédiée à la politique agricole commune serait réduite de 10 %
Mais toutes ces enveloppes sont très réduites et il a fallu déshabiller Pierre pour habiller Paul afin de les financer. Il est ainsi prévu de réduire les fonds structurels de 6 %, arguant de la meilleure situation des pays d’Europe centrale et orientale (qui pourraient être sanctionnés s’ils ne respectent pas le cadre démocratique commun). De même, l’enveloppe dédiée à la politique agricole commune serait réduite de 10 %, une mesure qui a d’ores et déjà provoqué des cris d’orfraie de la FNSEA, soutenue par le gouvernement français (comme quoi tous les « rentiers » ne sont pas logés à la même enseigne par les temps qui courent…).
Bref, rien de bien enthousiasmant. Que faire face à cette situation ? Menacer de renverser la table risquerait d’accélérer un délitement du projet européen mortifère à tous égards. Faire comme si de rien n’était revient à laisser la place aux pays qui tirent l’Europe vers le bas. D’où la nécessité de prendre des initiatives, aussi bien au niveau de la zone euro que de l’Union dans son ensemble.
Une mondialisation au service des plus riches
Les choses sont rendues encore plus complexes par le fait que, sur chaque sujet, les positions changent d’un pays à l’autre et qu’il n’y a pas des camps bien identifiés opposant ceux qui voudraient aller de l’avant et les autres. Bref, on peut souhaiter bon courage à Emmanuel Macron, s’il veut mettre en œuvre cette « Europe qui protège » qu’il nous a promise. En l’état actuel des choses, il ne semble pas que l’Allemagne – et encore moins les pays d’Europe du Nord – soit prête à engager des réformes structurelles de nature à accroître la solidarité entre pays de la zone euro, sinon à la marge.
En France, la politique de dumping fiscal et social d’Emmanuel Macron n’est pas de nature à redonner envie d’Europe aux Français
Seul problème, et de taille, si le Parlement est appelé à voter le budget européen, les Etats membres lui refusent toujours obstinément le pouvoir de lever l’impôt et de financer le budget commun par des ressources propres. Nous restons donc dans les limites définies par le compromis d’Edimbourg de 1992, arraché par les Britanniques et les Danois, qui avaient alors imposé que le budget européen ne dépasse jamais 1,2 % du PIB européen. Une exigence finalement assez bien partagée par les autres Etats membres au vu des propositions de la Commission.