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QUESTION AU CONSEILLER FÉDÉRAL SCHNEIDER-AMMANN
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QUESTION AU CONSEILLER FÉDÉRAL SCHNEIDER-AMMANN

 

De Michel Piccand.

Dans le cadre de l’émission TV Infrarouge du 27 janvier 2016.

 

Monsieur le Conseiller fédéral, en 2009 lors du vote de l’extension de la libre circulation des personnes à la Roumanie et à la Bulgarie, la Conseillère fédérale Doris Leuthard [PDC] a fait campagne en Suisse-romande en présentant des chiffres de gain de croissance dus à la libre-circulation qui étaient faux, 5 fois plus élevés qu’ils ne l’étaient en réalité.

La Conseillère fédérale Doris Leuthard a présenté des chiffres totalement exagérés qui ont été repris par tous les médias de Suisse-romande, aucun journaliste ou professeur d’économie, aucun politicien, n’a remarqué ou ne s’est élevé pour dire que ces chiffres étaient totalement faux.

Voici ma question :

 

Comment expliquez-vous une telle erreur ?

Pensez-vous que ce soit un problème pour notre démocratie ?

Si oui, que comptez-vous faire ?

 

Les éléments prouvant ces affirmations vous sont  transmis ici ainsi qu’à la rédaction d’infrarouge.

Michel Piccand

 

 

PREUVES DES AFFIRMATIONS AVANCÉES CI-DESSUS

 

1.

A l’époque du vote précité, en 2009, il n’existait qu’une seule étude (KOF) ayant cherché à évaluer les gains de PIB induits par la libre-circulation des personnes. Ce gain était évalué à 1 milliard par année ou 0.16 %  par année du PIB.

 

SOURCE :

 

Abkommen auf die Schweizer Wirtschaft

 

Les répercussions des accords bilatéraux

Accord sur l'économie suisse

 

KOF Swiss Economic Institute, ETH Zurich

 

 

Adresse de document :

KOF-Studie bestätigt positive Effekte der Personenfreizügigkeit  (12. Dezember 2008 Studie Deutsch ) http://www.kof.ethz.ch/news/

 

KOF Etude des effets positifs de la libre circulation des personnes

 

 

P.135

 

Ausgehend von den genannten Annahmen zeigten Simulationen mit dem KOF-Makromodell, dass das

Bruttoinlandprodukt im Basisszenario im Zeitraum 2002 bis 2007 pro Jahr um 0.16% bzw.

 

 

Partant de ces hypothèses les simulations avec le macro-modèle KOF ont montré que le produit intérieur brut par rapport au scénario de base au cours de la période de 2002 à 2007[augmente] de 0.16% par an.

 

==> soit environ 1 milliard par année de PIB supplémentaire par année à ce moment.

 

2.

Or la Conseillère fédérale Doris Leuthard a fait campagne à cette époque en annonçant un gain de 1% par année [et non 0.16%] soit une exagération du gain par un facteur 5…

Tous les médias de Suisse-romande ont repris ce chiffre qui n’a été contesté par aucun économiste ou journaliste…

 

«  La libre circulation a rapporté jusqu’à cinq milliards de francs par année à la Suisse » (Le Matin Dimanche, 11.01.09)

elle «  a permis d’augmenter durablement la croissance de 1 % » (Tribune de Genève, 3.12.08 ).

 

ARTICLES DE PRESSE

 

 

24 Heures

 

Doris Leuthard: «L’ouverture du marché du travail ne s’est pas faite sur les dos des Suisses»

 

CAMPAGNE | Pour la ministre de l’Economie Doris Leuthard, la voie bilatérale affiche un bilan positif. Contre la peur, elle entend faire valoir les faits.

 

XAVIER ALONSO, BERNE | 20.01.2009 | 00:01

 

Extrait :

– On ne cesse de dire que les bilatérales ont accompagné la croissance. Pourtant la population n’a pas l’impression d’en avoir profité. Le pouvoir d’achat reste une des préoccupations majeures, selon les sondages.

– Les sondages disaient la même chose en 2007 déjà, en période de haute conjoncture. Un peu comme la santé, les craintes liées au marché du travail sont au centre de notre société. Mais depuis 2005, nous avons créé 250 000 postes de travail en Suisse. Durant cette période le chômage a diminué et les salaires ont augmenté en 2009. La preuve que la libre circulation et les accords bilatéraux ont été favorables à la Suisse et à sa croissance.

– Mais quelle preuve?

C’est chiffrable: 1% du PIB, soit 4 à 5 milliards par an. Par ailleurs, les obstacles techniques au commerce qui ont disparu avec les accords bilatéraux I ont permis des économies de 250 à 400 millions par an. Enfin, les entreprises suisses ont aujourd’hui accès aux marchés publics européens. C’est une chance que nous n’aurions plus avec un non le 8 février.

 

 

 

3.

 

Le chiffre était donc multiplié par 5 !!! Décontenancé par une telle erreur et exagération j’adressais à fin de vérification une demande d’information au secrétariat de Doris Leuthard.

Voici la copie du mail qui me fut répondu et qui confirme lui-même cette monumentale erreur…

 

COPIE DE LA RÉPONSE DU SECRÉTARIAT DE LA CONSEILLÈRE FÉDÉRALE  DORIS LEUTHARD

mail.png

 

⇒ c’était  donc 5 milliards sur 5 ans et non 5 milliards par année…

 

Ces chiffres n’ont l’air de rien, ils semblent un peu abstraits. Une erreur de 1 à 5 est pourtant énorme. C’est comme si l’on vous engageait pour 100'000.- par an et qu’à la fin on vous dise, désolé, vous avez mal compris c’est 20'000.- par an pas 100'000…

 

Michel Piccand

25 janvier 2016.

Cette question politique essentielle sur la libre-circulation des personnes en Suisse et de ses conséquences, parmi d’autres, est analysée dans l’essai intitulé :

“La croissance économique de la Suisse, un drame politique caché”

que vous trouverez ici :   https://lc.cx/Zt3P

Extrait :

p.46

LE DÉNI DE LA RÉALITÉ ET LES CHIFFRES ÉCONOMIQUES.

 

Il y avait un système, un mécanisme de régulation pour empêcher – non pas stupidement que les étrangers viennent en Suisse – mais pour empêcher que ne s’installe des déséquilibres, pour que les personnes qui vivent dans ce pays, et ici les plus jeunes et les plus défavorisés, d’où qu’ils viennent, ne soient pas pris à la gorge par des hausses et des baisses simultanées qui les assaillent de tous côtés. Ce système de régulation c’était le contingentement de l’immigration, une manière de garder le contrôle des flux et donc le contrôle des prix, c’est-à-dire une manière de garder le contrôle et la maîtrise des équilibres internes du pays. Ce système d’équilibre était l’exact inverse de la libre-circulation des personnes, on l’a tout simplement abandonné, pour que les entreprises exportatrices - dont certaines, nouvellement implantées, repartiront peut-être une fois le filon épuisé - puissent vendre leurs biens et leurs services 3 % moins chers sur les marchés publics de l’UE et pour que d’une manière générale elles gagnent en économisant 0.5 % supplémentaire sur leurs prix de vente du fait d’un accès administratif facilité au marché de l’UE.

En février 2009 les Suisses étaient appelés une nouvelle fois aux urnes à l’occasion de l’extension de l’accord de libre-circulation des personnes à la Bulgarie et à la Roumanie récemment entrés dans l’UE, à cette occasion on leur reposa la question de la reconduction globale de cet accord puisque celui-ci avait été conclu en 2002 pour une période initiale de 7 ans.

Selon le Gouvernement, cet accord de libre-circulation des personnes était « à l’origine des principales retombées économiques pour notre pays. » (08.029 Message concernant la reconduction de l’accord sur la libre circulation des personnes et son extension à la Bulgarie et la Roumanie, du 14 mars 2008, p.1) retombées bien évidemment exclusivement positives selon l’opinion gouvernementale avancée.

La reconduction de cet accord était si importante pour la Suisse, que la Ministre de l’Economie elle-même (Doris Leuthard, PDC) entra personnellement en campagne en faisant la tournée des médias. Au-delà de l’amitié entre les peuples - dont on ne sait plus ici si cette amitié était destinée à protéger l’Allemagne ou la France, voir l’Europe toute entière d’une attaque éventuelle et foudroyante de la Suisse, ou s’il s’agissait de préserver la Suisse d’une attaque conjointe  de tous ces pays contre la Suisse, sous la forme d’une agression détournée de la part de ces nations réunies dans l’UE (18).

 

(18) Mis de côté la boutade, qui n’en est peut-être pas une, les attaques simultanées de la France et de l’Allemagne contre le secret bancaire helvétique durant les années 2010 ont été – cela n’a guère été souligné – rien moins qu’une violation de ces accords bilatéraux signés avec la Suisse. En effet, ces accords spécifient expressément que les différends et désaccords fiscaux entre des membres de l’UE et la Suisse, doivent être exclusivement réglés par la voie de la concertation, c’est-à-dire de la discussion. L’utilisation par l’Allemagne et la France des « plate-formes » de l’OCDE et du G8 pour « forcer » la Suisse à modifier ses pratiques fiscales ont donc très clairement été des violations des engagements pris par ces deux pays envers la Suisse de ne recourir qu’à la concertation. Mais ce n’est qu’un détail, cela ne porte après tout que sur les rapports de confiance et la parole donnée et qui n’ont donc rien à voir avec ladite amitié entre les peuples…

 

Bref, la Ministre de l’Economie fit campagne sur des considérations autrement plus pragmatiques. Si ces accords devaient être défendus et reconduits c’est parce qu’elle-même avait la « preuve », ce sont ses propres mots, que ces accords bilatéraux avaient amenés un gain de près de 5 milliards par année à la Suisse. Ici aussi, l’on peut se demander combien de voix, combien de citoyens, ont été influencés par cette affirmation ? Dans le fond ces 5 milliards annuels étaient bien la « preuve » que ces accords étaient au bénéfice de la jeunesse du pays.

 

L’erreur est humaine dit-on, que l’on se trompe dans un rapport de 1 à 5 cela peut arriver. Que l’on dise 5 milliards par année alors qu’en réalité le gain annuel ne portait que sur à peine 1 milliard, on peut encore l’imaginer. Même si l’on peut se demander ce que penserait une personne  engagée pour un salaire annuel de 100'000 francs à qui l’on dirait à la fin de l’année, qu’en réalité son salaire n’est pas de 100'000 mais de  20'000 francs. Après tout c’est aussi une erreur dans un rapport de 1 à 5. Non, le plus étonnant c’est que la Ministre ayant avancé ce chiffre de 5 milliards il fut repris par l’ensemble des partis politiques et par tous les médias, et qu’aucune voix, aucun économiste ne s’éleva pour demander s’il n’y avait pas une erreur puisque la seule étude entreprise depuis l’entrée en vigueur de la libre-circulation des personnes avait abouti à un gain de 1 milliard par année et non pas de5, c’est-à-dire d’un gain de 5 milliards sur 5 ans et non pas de 25...  Le plus étonnant, c’est qu’il semble que personne, des journalistes à la multitude d’experts qui se prononça, n’ait rien vu. Je n’ai à ma connaissance entendu aucune réclamation ou dénonciation. Mais peut-être est-ce normal ? Ainsi vont les chiffres et la démocratie.

La Ministre de l’Economie, Doris Leuthard, n’avait  cessé d’affirmer au travers des médias que «  La libre circulation a rapporté jusqu’à cinq milliards de francs par année à la Suisse » (Le Matin Dimanche, 11.01.09) et «  permis d’augmenter durablement la croissance de 1 % » (Tribune de Genève, 3.12.08) « La libre circulation a suscité une croissance durable d'au moins 1% du PIB, a relevé la ministre de l'économie. Cela correspond à 4 à 5 milliards de francs par année » (Le Conseil fédéral et les cantons lancent la campagne 02.12.08 20minutes.ch)

La réalité, c’est que si la dernière étude publiée par le centre de recherches conjoncturelles de l’ETHZ (Auswirkungen der bilateralen Abkommen auf die Schweizer Wirtschaft, Les répercussions des accords bilatéraux sur l'économie suisse,  KOF Swiss Economic Institute, ETH Zurich, 2008,  p.37, 135, seulement en allemand) faisait bien état d’un gain de croissance du PIB d’environ 1 %  attribuable à la libre circulation, il l’avait établi pour une période de 5 ans… soit une augmentation du PIB réel de 0.16 % par an ! Par ailleurs cette étude - contrairement à la Ministre - ne s’avançait pas pour dire que ce gain de croissance pouvait être durable, la durabilité étant ici une pure invention de la Ministre puisque l’étude précisait au contraire  que les résultats présentés ne représentaient pas nécessairement des effets à long terme de la libre circulation des personnes « Im Weiteren sollte beachtet werden, dass unsere hier präsentierten Simulationsergebnisse nicht notwendigerweise die langfristigen Effekte der bilateralen Abkommen zeigen » (Op. cit. p. 42) et ajoutait néanmoins dans une sorte d’euphémisme que si les effets étaient petits ils pouvaient être considérés comme significatifs cumulés au cours des ans… « Diese Effekte sind zwar eher klein, fallen aber über mehrere Jahre hinweg durchaus ins Gewicht.  » (Id. p. 135).

L’étude précitée était une commande des milieux patronaux de la haute industrie helvétique (Economiesuisse) et avait été financée par elle. L’étude sur laquelle se fondait le Gouvernement avait donc été financée par des milieux privés qui avaient un intérêt économique personnel à trouver des avantages aux accords de libre-circulation. Le communiqué de presse d’Economiesuisse qui curieusement figurait sur le site internet de l’ETHZ (?) déclarait par ailleurs que « Les accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l’UE se sont révélés avantageux pour notre pays. L’accord sur la libre circulation des personnes, en particulier, explique en partie la forte croissance économique de ces dernières années. Le produit intérieur brut (PIB) a enregistré une hausse significative. Aucun effet négatif sur le marché du travail n’a été constaté. » et reprenait de façon ambigüe – car sans préciser sur quelle période de temps le résultat avait été réalisé, pouvant lui aussi laisser croire à un gain annuel : « L’étude publiée conclut que la libre circulation a entraîné une augmentation du PIB. D’après les estimations, cette hausse atteignait 5.5 milliards de francs fin 2007. » (Communiqué de presse, 12 décembre 2008, Economiesuisse, sur le site du kof.ethz.ch) (19).