Il appelle cela la « scoumoune ». « La dèche, quoi », précise Damien Moreau, la petite vingtaine, le ton goguenard. « La panade, la mierda, la super-glu des galères. » Rasé de près, il enfourche son vélo pour rejoindre l’ami avec qui il partage un studio, près de Paris. Depuis qu’il a décroché de son BTS vente, il alterne inactivité et petits boulots. « Des jobs de livreur en autoentrepreneur, des contrats courts. »
Les bons mois, il tourne autour de 1 100 euros. Les autres, il « bidouille ». « Je fais gaffe à tout. Je repère les plans gratuits pour sortir quand même avec les copains : on me prend pour un écolo radin, un militant de la décroissance, sourit-il. J’aime autant, ça sonne plus chic que pauvre. Même si j’ai l’habitude : la scoumoune, je suis né dedans, et mes parents, tous deux au chômage, aussi. »
Emmanuel Macron, lui, appelle cela les « inégalités de destin ». « Selon l’endroit où vous êtes né, la famille où vous avez grandi, votre destin est le plus souvent scellé », déclarait-il le 9 juillet, pour défendre son ambitieux plan antipauvreté. Celui-ci était attendu cet été, dans la foulée des concertations entamées fin 2017 par le délégué interministériel dédié au sujet, Olivier Noblecourt. Il sera finalement présenté mi-septembre.
Distribution de petits-déjeuners gratuits dans les écoles, allongement de la période obligatoire de formation de 16 à 18 ans ou, encore, versement unique des allocations… Si les pistes évoquées sont jugées prometteuses par les associations, certaines redoutent néanmoins que les moyens dégagés ne soient pas à la hauteur.
Car les signaux envoyés par l’exécutif sont ambigus. En juin, le président a qualifié de « pognon de dingue » les sommes consacrées aux minima sociaux. Si le minimum vieillesse (833 euros) sera revalorisé de 35 euros en 2019 et 2020, les allocations familiales, APL et pensions progresseront de 0,3 % seulement sur ces deux années, soit moins que l’inflation. Sera-t-il possible de renforcer la lutte contre la pauvreté tout en serrant la vis sur certaines prestations ?
« Des mutations profondes »
Délicat, lorsqu’on mesure l’ampleur du problème. « La pauvreté est un phénomène complexe et multidimensionnel », explique Louis Maurin, président de l’Observatoire des inégalités. Son estimation la plus courante est le taux de pauvreté monétaire, exprimant la part d’individus vivant avec moins de 60 % du revenu médian (après redistribution), soit 1 015 euros mensuels pour une personne seule.
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