Par James K. Galbraith, Aurore Lalucq et Yanis Varoufakis
Tribune. Le grand plaidoyer européen d’Emmanuel Macron au pied de l’Acropole d’Athènes, le jeudi 7 septembre, cache mal la double impasse dans laquelle le président est enfermé.
Certes, Emmanuel Macron n’est pas François Hollande. Sur la scène européenne, le nouveau président français a rapidement mis en scène sa volonté de rompre avec un quinquennat durant lequel la France aura trop souvent été spectatrice des discussions et des confrontations européennes. Et il a une idée : en échange d’une réforme XXL du marché du travail, il pense pouvoir obtenir de la chancelière, Angela Merkel, et de son ministre des finances, Wolfgang Schäuble, une nouvelle étape dans la construction européenne.
La première impasse touche à la réalisation même de ce « deal » politique. Que demandait initialement le président français à ses homologues allemands ? Une fédération « light », c’est-à-dire une zone euro avec un semblant de budget commun (1 % du PIB de la zone), des eurobonds (obligations européennes fédérales), des projets d’investissements au niveau fédéral et une assurance des dépôts bancaires.
Compte tenu de l’importance de la crise, de la taille des dettes publiques engendrées pour éviter la faillite du secteur bancaire, et de l’état social de l’Europe, ce projet initial était déjà totalement anachronique.
L’Eurogroupe, cette boîte noire antidémocratique
Surtout, cette demande a vite tourné court. Non seulement Mme Merkel et M. Schäuble ont rejeté cette proposition de fédération « light », mais Martin Schulz, le candidat dit « social-démocrate », aussi. Emmanuel Macron se voit proposer à la place une transformation du Mécanisme européen de stabilité (MES) en fonds monétaire européen capable d’accorder sous conditions des prêts pour financer certains investissements et le paiement des indemnités chômage.
la « troïka », après Athènes, pourrait ainsi s’installer à Paris ou à Rome
Il peut paraître difficile de distinguer cette contre-proposition de celle du président Macron. Pourtant, il existe une différence fondamentale : elle touche au contrôle démocratique. Car la structure de décision n’est autre que celle de l’Eurogroupe, cette boîte noire antidémocratique au sein de laquelle l’intérêt général et l’esprit de compromis ont laissé place, à l’abri du regard des citoyens, à un diktat économique nommé austérité.
Si un tel projet voyait le jour, chaque euro versé le serait sous les conditions très strictes de la « troïka » qui, après Athènes, pourrait ainsi s’installer à Paris ou à Rome. Un projet que M. Schäuble a toujours assumé, mais qui marquerait une nouvelle étape vers l’effondrement du projet européen et constituerait un cadeau de plus à l’internationale des nationalismes.
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