Il y a tout juste neuf ans, en juin 2008, démarrait l’instruction de l’une des plus grandes affaires d’escroquerie immobilière présumée, l’affaire Apollonia. Installée à Aix-en-Provence, cette société de conseil en défiscalisation – grâce à l’achat de biens immobiliers, résidences hôtelières ou étudiantes – avait, entre 1998 et 2009, vendu à plusieurs milliers de particuliers près de 7 500 appartements. Elle employait, pour cela, des méthodes commerciales agressives, allant du démarchage jusqu’au harcèlement, et faisait souscrire, avec le concours actif de banques et de notaires, à des clients recrutés pour l’essentiel parmi les professions libérales ou le corps médical un ou plusieurs prêts pour des montants compris entre 2 et 9 millions d’euros. Cet excès de crédit a conduit des acquéreurs au surendettement et à la ruine, et jusqu’au suicide de deux d’entre eux.
Près de neuf ans et trois juges d’instruction plus tard, le dossier a rebondi, en janvier dernier, grâce à un arrêt de la Cour de cassation, qui a conduit le magistrat marseillais Valéry Muller à reprendre l’enquête en particulier concernant les banques. Déjà 32 mises en examen ont été prononcées : celles du gérant d’Apollonia, Jean Badache, de ses cadres commerciaux, de trois notaires, du mandataire du courtier en prêt Cafpi et de cadres de diverses banques, Crédit mutuel méditerranéen et surtout Crédit immobilier de France (CIF) et sa filiale de Rhône-Alpes.
« Une incroyable violence »
« Le CIF a systématiquement surendetté ses clients, en dépit des alertes répétées du superviseur bancaire, tonne Me Jacques Gobert, avocat de l’association des victimes d’Apollonia (l’ANVI-Asdevilm, qui compte 400 adhérents) et poursuit encore mes clients avec une incroyable violence, par exemple, en utilisant de faux documents, pour qu’ils remboursent. »
Dès 2012, à la suite de la dégradation de sa note par l’agence Moody’s, le Crédit immobilier de France est mis sous « plan de résolution », une quasi-liquidation. L’Etat est alors obligé d’intervenir et accorde sa garantie d’un montant maximal de 28 milliards d’euros, jusqu’en 2035 si besoin. Le CIF provisionne 300 millions d’euros de créances douteuses liées aux clients d’Apollonia, soit 15,5 % de l’ensemble de ses encours douteux, ce qui est significatif, comme l’estiment la Cour des comptes et, pour la commission des finances du Sénat, le sénateur François Marc (PS), dans deux rapports, publiés respectivement en septembre et en octobre 2015.
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