Optimisation fiscale

Redressement record de 13 milliards pour Apple

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Apple Store à Paris. Grâce aux accords passés entre Apple et le fisc irlandais, le taux d’imposition des profits de la firme à la pomme en Europe atteignait 0,005 % en 2014 ! PHOTO : ©RGA/REA

La Commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager a annoncé le 30 août que la société Apple a reçu depuis 1991 une aide d’Etat illégale de la part du gouvernement irlandais et tombe sous le coup d’un redressement fiscal de 13 milliards d’euros. Une décision forte qui fait monter la pression sur les pratiques fiscales douteuses des multinationales en Europe.

Un taux d’imposition de 0,005 % !

Deux filiales d’Apple situées en Irlande ont fait l’objet des investigations de la Commission, dont Apple Sales International, celle qui pose le plus de problème. La conclusion est sans appel : « l’enquête de la Commission a conclu que l’Irlande avait accordé des avantages fiscaux illégaux à Apple ».  En 1991, puis en 2007, le fisc irlandais a signé deux rulings, des accords fiscaux secrets censés assurer de la visibilité fiscale aux entreprises mais dont le principe a été perverti, permettant à Apple d’échapper à l’impôt sur les bénéfices.

L’Irlande a permis à Apple de bâtir un monde fictif pour lui permettre d’échapper à l’impôt sur les sociétés en Europe

Apple Sales International est censée détenir les droits de propriété intellectuelle d’utilisation de la marque que les autres filiales doivent lui payer, siphonnant ainsi leurs bénéfices vers l’Irlande. Pour autant, très peu d’impôts sont payés en Irlande. Car « selon la méthode convenue, la plupart des bénéfices étaient affectés en interne à un « siège » d’Apple Sales International situé en dehors de l’Irlande. Ce « siège » n’était situé dans aucun pays, n’employait aucun salarié et ne possédait pas de locaux », […], la Commission a conclu que les rulings fiscaux émis par l’Irlande avalisaient une affectation artificielle des bénéfices ».

Bref, l’Irlande a permis à Apple de bâtir un monde fictif pour lui permettre d’échapper à l’impôt sur les sociétés sur ses milliards de profits réalisés dans les autres pays européens. Le résultat de ces pratiques fiscales douteuses est phénoménal. La Commission indique que le taux d’imposition des profits d’Apple en Europe est passé de 1 % en 2003, un montant déjà extrêmement faible, à 0,05 % en 2011 puis à 0,005 % en 2014 ! Soit, 50 000 d’euros d’impôts pour chaque milliard de profits ! Le refus d’Apple de payer l’impôt paraît sans limite.

Qui va récupérer les 13 milliards ?

La Commission considère sur la base de son analyse que Apple a ainsi bénéficié entre 2003 et 2013 – elle ne peut juridiquement remonter plus loin – d’une aide d’Etat déguisée de 13 milliards d’euros correspondant aux impôts dus, mais non payés. Un montant d’un tout autre ordre que les 20 à 30 millions réclamés en octobre 2015 dans les cas de Fiat au Luxembourg et Starbucks aux Pays-Bas. C’est une somme importante même pour Apple, mais que la société peut payer avec ses 215 milliards détenus dans les paradis fiscaux.

A priori, c’est au gouvernement irlandais, qui conteste la décision, de réclamer à la multinationale ce qu’elle aurait dû payer. Mais la Commissaire Vestager a pris bien soin de préciser que si, à la lumière de son enquête, d’autres pays européens ou même les Etats-Unis se sentaient floués, ils devraient demander à récupérer les impôts non payés, ce qui réduirait d’autant ce qui devrait aller dans les caisses irlandaises. La Commission incite ainsi clairement les autres pays de l’Union à réclamer leurs impôts.

La Commission incite clairement les autres pays de l’Union à réclamer leurs impôts.

Le gouvernement américain s’était récemment publiquement mobilisé pour dénoncer un acharnement de l’UE contre ses multinationales. La Commissaire, très combative, a répondu le 30 août que sa décision concernait des ventes et des profits réalisés en Europe, ce qui rend sa décision légitime. Et il ne s’agit pas, a-t-elle pris soin de préciser, d’une mesure rétroactive, comme si elle avait changé la loi fiscale. Il s’agit uniquement d’impôts dus.

Enfin, la Commissaire ne s’est pas privée de pointer ironiquement du doigt le comportement d’Apple qui crie au scandale. Franchement, quand son taux d’imposition passe de 0,05 % à 0,005 %, il y a de quoi se poser des questions sur l’acceptation de sa stratégie fiscale non ?

Apple a réagi avec une énorme mauvaise foi. Ses dirigeants ont déclaré qu’ils vont « devoir payer rétroactivement des impôts supplémentaires » alors qu’il n’y a aucune décision de rétroactivité sur aucune loi de la part de la Commission et qu’il s’agit pour la firme de payer les impôts qu’elle aurait dû payer si elle n’avait pas organisé un transfert artificiel de ses bénéfices !

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Commentaires (1)
Braunstein 30/08/2016
Pourquoi ne pas lancer une pétition de soutien à la commission européenne qui pour une fois et malgré un fraudeur patenté à sa tête vient de prendre une mesure importante. Le but de cette pétition serait de soutenir la démarche et de demander que les mesures prises touchent toutes les entreprises qui pratiquent ce mode d'évasion fiscale y compris lorsqu'elles sont européennes.
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